Les chiffres sont éloquents. 92,2% des Polonais se déclarent catholiques et un peu moins de 40% se rendent à l’église tous les dimanches, selon un rapport fouillé de l’Institut de statistiques de l’Eglise polonaise publié en 2014.
Pourtant, malgré ce score impressionnant, la pratique baisse. Pour la première fois depuis 1980, elle a passé sous la barre des 40% pour se fixer à 39,1%. Depuis 2003, l’Eglise a perdu deux millions de pratiquants. La situation n’est pas uniforme d’un diocèse à l’autre. Parmi les communautés les plus vivantes: l’archidiocèse de Cracovie où plus de la moitié de la population participe à la messe tous les dimanches. Ils ne sont en revanche «que» 25% à Koszalin, diocèse du nord de la Pologne qui accueille jusqu’à lundi 300 pèlerins romands à une semaine des JMJ de Cracovie.
«Si vous assistez à une messe en Pologne, vous risquez d’être surpris, explique Agnieszka Huszcz de Lublin. Les églises sont toutes pleines». Mais cette jeune institutrice de 34 ans perçoit une évolution latente. «La Pologne n’échappe pas à la sécularisation. Dans les années 1980, aller à l’église était un acte de résistance. Tous les Polonais s’y rendaient par opposition au système communiste».
L’ennemi d’aujourd’hui est moins facile à cerner. Il prend les traits du matérialisme.
Mais aujourd’hui, l’Eglise en Pologne semble manquer d’ennemis concrets. «Durant la période communiste, des évêques et des prêtres se sont levés pour protester, explique l’abbé Slawomir Kawecki, ancien directeur de la Mission polonaise en Suisse, établi à Genève. Je pense à Jean-Paul II ou au cardinal Stefan Wyszynski, primat de Pologne de 1948 à 1981. Ils étaient des symboles pour la nation polonaise. D’autres ont même été jusqu’au martyr, comme le Père Jerzy Popieluszko».
L’ennemi d’aujourd’hui est moins facile à cerner. Il prend les traits du matérialisme, selon Agnieszka. «Pour beaucoup de jeunes que je rencontre, la messe passe après une certaine forme de confort. Ce qui importe, c’est d’avoir un niveau de vie élevé, de partir en vacances et de posséder sa propre voiture. Le changement de mentalité a été rapide et s’applique à tout le pays». La Pologne postcommuniste ne semble donc pas échapper à «l’apostasie silencieuse» que dénonçait Jean-Paul II.
Pour autant, de nombreux jeunes continuent d’aller à la messe tous les dimanches. Ils s’engagent dans l’Eglise non pas pour des raisons sociales; ils fondent leur pratique sur une foi vivante. A l’instar d’Agnieszka, ils s’impliquent dans différents mouvements catholiques pour nourrir et partager leur foi. «Nous avons conscience de la présence de Dieu parmi nous et nous le rencontrons à travers l’Eglise».
L’institution ne répond toutefois pas à toutes ses attentes. Elle est un peu en retard sur l’évolution récente. «J’assiste de plus en plus à des séparations dans les familles. Certains de mes amis divorcent, alors qu’ils étaient aussi membres de mouvements catholiques. Et l’Eglise n’a pas grand-chose à leur offrir. Ils se sentent exclus. A l’école primaire, je ne connaissais aucune personne dont les parents étaient divorcés. Aujourd’hui, un tiers des mariages se soldent par un échec».
Ce n’est donc certainement pas un hasard si le pape François rappelait l’importance de la famille, le 19 juillet dernier. «La santé morale et spirituelle d’une nation se voit dans ses familles», affirmait-il dans un message vidéo adressé aux jeunes à une semaine des JMJ. Il y évoquait Jean-Paul II et l’importance qu’il accordait aux fiancés, aux jeunes époux et aux familles. «Continuez sur cette route!», leur a-t-il lancé, ajoutant: «J’ai un grand désir de vous rencontrer!»
C’est également de manière consciente que le souverain argentin a choisi de placer cette rencontre de la jeunesse catholique sous le signe de la miséricorde. «Dieu nous attend toujours, écrivait-il le 15 août 2015 dans son Message pour la XXXIe Journée Mondiale de la Jeunesse. Et lorsque nous retournons à lui, il nous accueille comme ses enfants dans sa maison, car il ne cesse jamais, même pour un instant, de nous attendre avec amour». Loin de toute nostalgie, le message du pape s’inscrit ainsi dans une perspective d’accueil, en phase avec l’évolution de l’Eglise en Pologne. (cath.ch/pp)
Pierre Pistoletti
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