Louisa avait amené de Suisse la fleur pour effectuer ce geste de commémoration envers son aïeul. La mère de la jeune Fribourgeoise est d’origine polonaise, et son grand-oncle servait dans l’armée nationale lors de l’invasion par les troupes de Hitler, en 1939. L’officier est décédé dans le camp de Dachau en 1945, avant sa libération par les Alliés. Fascinée par ces questions liées à la Seconde guerre mondiale et par la mémoire de sa famille, la jeune participante aux JMJ assure que ce geste était pour elle emplie d’une profonde émotion.
Des émotions qui ont aussi étreint le reste du groupe, qui n’a pas pu rester indifférent aux terribles récits des exactions qui se sont produites dans cet endroit.
Anna, d’Estavayer-le-Lac, avoue avoir été choquée. Elle ignorait ce qui s’était passé ici.
«Vivre une messe dans un lieu comme ça, c’est comme allumer une bougie dans un coin sombre».
«J’avais l’habitude de plaisanter avec mes amis sur les camps de concentration et autres, note Florian, de Charmey. Mais quand on est confronté à cette réalité, les choses deviennent moins abstraites et on voit que ce n’est vraiment pas drôle. Il faut y aller pour éviter de banaliser ces événements».
«Cette visite à Dachau a été un magnifique clin d’œil de Dieu», explique Vicky Avanthay, responsable de l’organisation pour les JMJ romandes. Elle admet qu’au départ, le but était juste de faire étape dans un endroit à mi-chemin de la Suisse et du diocèse de Koszalin, au nord de la Pologne, où ils passeront la première semaine de l’événement.
«Il fallait un lieu qui soit assez intéressant, mais pas trop touristique», explique-t-elle. En fait, les jeunes ont eu l’occasion, à Dachau, d’approfondir leur compréhension de la miséricorde, qui est le fil rouge de ces JMJ. Vicky Avanthay ne savait en effet pas que c’était le lieu du martyre de 1’800 prêtres assassinés par le régime nazi. 2’800 ecclésiastiques, dont 95% de catholiques, essentiellement polonais, et 5% de protestants, furent en effet détenus, entre 1933 et 1945, dans ce camp. Plus de la moitié d’entre eux succombèrent de malnutrition, de maladie, de mauvais traitements ou par les exécutions sommaires.
La guide qui accueille les jeunes a elle-même eu un oncle incarcéré à Dachau. Elle est une spécialiste de l’histoire des martyrs chrétiens du camp. Elle raconte comment les prêtres, qui souvent avaient eu le malheur de pratiquer leur religion de manière trop ostentatoire au goût du régime nazi, avaient gardé intacte leur foi, malgré l’horreur qu’ils vivaient au quotidien.
«Cette visite a ainsi été une parfaite introduction à la miséricorde»
Même si aucun prisonnier n’a été gazé à Dachau, la mortalité consécutive aux conditions de détention était très élevée. En dépit des menaces qui pesaient sur eux, les hommes d’Eglise n’ont jamais cessé de célébrer la messe, d’accorder les sacrements aux autres détenus, et de prier continuellement, également pour le salut de leurs tortionnaires. En témoignent les nombreux carnets de notes qu’ils ont laissés après leur mort. Karl Leisner, un prêtre allemand décédé dans le camp en 1945 avait par exemple écrit: «Toi le Très Haut, bénis mes ennemis».
Dans ce camp, à la base destiné à éliminer les opposants politiques du Reich, un quart seulement des détenus étaient des juifs. Une proportion beaucoup plus élevée dans les autres camps de concentration tels qu’Auschwitz. Parmi les 1’800 prêtres tués, beaucoup ont été reconnus martyrs de la foi par leurs diocèses, 55 ont été béatifiés, dont 47 Polonais.
La visite des jeunes s’est conclue par une messe, dans le périmètre du camp, notamment célébrée par Jean Burin des Roziers, nouveau prêtre de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) et Nicolas Glasson, vicaire épiscopal pour les vocations dans le diocèse.
«Cette visite a ainsi été une parfaite introduction à la miséricorde», répète Vicky Avanthay.
Anna assure ainsi avoir été confortée dans sa foi par l’exemple des prêtres martyrs. «Malgré l’horreur qu’ils vivaient, ils ont continué à croire que Dieu était à leur côtés», commente-t-elle.
Pour Nicolas, de Payerne, la visite a été «une illustration de comment vivre sa foi». Il estime que cette visite lui a donné un nouvel élan spirituel.
«Cela m’a mené vers une réflexion nouvelle sur la vie», estime Florian. «Vivre une messe dans un lieu comme ça, c’est comme allumer une bougie dans un coin sombre».
Ainsi que l’a souligné un des célébrants lors de la cérémonie, cette visite à Dachau a été «une rencontre avec le Christ que beaucoup pensaient absent d’un lieu aussi pervers.» Une fleur sur une tombe… (cath.ch-apic/rz)
Raphaël Zbinden
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