Dans un article paru dans l’hebdomadaire français Famille Chrétienne en mai dernier, puis lors d’une conférence à Londres, le cardinal Sarah a souhaité que l’on puisse «retrouver la sacralité et la beauté de la liturgie», plaidant pour que les prêtres reviennent à la célébration de la messe vers l’orient, ou en direction de l’abside. Trouvez vous cela également important?
Martin Klöckener: Ce qui est «très important» dans la liturgie, c’est que la communauté des baptisés se réunisse régulièrement autour de l’Eucharistie, que cette communauté vive à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur en tant qu’Eglise, que la Parole de Dieu soit proclamée et accueillie comme la source première de la foi, que les fidèles reçoivent le corps et le sang du Christ, et qu’ils deviennent toujours plus ce qu’ils ont reçu. C’est-à-dire le corps du Christ, comme saint Augustin le dit si magnifiquement dans un sermon sur les nouveaux baptisés.
La question de l’orientation des prêtres et des fidèles lors de la prière liturgique ne fait certainement pas partie des problèmes actuels de la liturgie qui doivent être réglés «le plus vite possible» (comme l’a affirmé le cardinal Sarah). (…) Le principe de s’orienter vers l’est n’a jamais été un principe général. Les basiliques patriarcales romaines sont par exemple dirigées vers l’ouest. (…)
D’après les déclarations du cardinal Sarah, le prêtre et les fidèles ne devraient pas regarder vers l’est durant toute la messe, mais seulement après la présentation des offrandes. Cela est-il compatible avec la réforme liturgique de Vatican II?
Le Concile n’a pas statué sur cette question. Les documents sur la réforme liturgique donnent la possibilité que le prêtre à l’autel se tourne vers la communauté, mais sans le prescrire. Ce qui est déterminant n’est pas que le prêtre tourne ou pas le dos à la communauté, (…) mais que le peuple de Dieu se rassemble autour de l’autel, sur lequel sont présents le corps et le sang du Christ, sous les espèces du pain et du vin. Le rassemblement de l’assemblée autour de l’autel exprime bien cette centralité du Christ.
En ce sens, que provoqueraient les recommandations du cardinal Sarah?
Une orientation «ad orientem» ou vers l’abside du prêtre dès la présentation des offrandes, affaiblit l’offrande commune de l’Eucharistie par le prêtre et la communauté, où le prêtre en vertu de son ordination et de son ministère préside la célébration. (…)
L’exhortation du cardinal a-t-elle une chance d’être suivie?
Les recommandations personnelles d’un cardinal peuvent être prises en compte dans l’Eglise. Elles n’ont cependant pas de conséquences –normalement- sur le déroulement de la liturgie. Le cardinal Sarah suit ici une ligne typique post-moderne, qui trouve écho –en raison de l’esprit du temps- chez beaucoup, au Vatican. A savoir l’individualisation de la pratique liturgique et un affaiblissement concomitant des instances compétentes en ce domaine, principalement les conférences épiscopales.
En quoi ces dernières seraient-elles affaiblies?
Selon les déclarations du cardinal Sarah, ce ne sont pas les conférences épiscopales, ni les évêques diocésains qui devraient prendre la responsabilité de la pratique liturgique, mais les prêtres seuls. (…) Si les prêtres en viennent à décider eux-mêmes de questions qui touchent l’ensemble de la communauté et de l’Eglise, sans que l’évêque ne soit impliqué, cela pourrait mener à une «anarchie liturgique», qui serait au plus haut degré préjudiciable à l’unité de l’Eglise. On ne peut qu’espérer que cet appel disparaisse rapidement de l’arène médiatique. (cath.ch-apic/kath/bal/rz)
Maurice Page
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