Avec l’évangile de ce jour, nous sommes dans « la région de Césarée-de-Philippe », près des sources du Jourdain, au nord D’Israël. A l’époque, le fils d’Hérode le Grand, Philippe, reconstruisait la ville à grands frais.
Et Jésus interroge : « Pour les gens, qui suis-je ? »
Cette question semble relever d’un sondage d’opinion. En terme médiatique on pourrait dire : « où en est ma cote de popularité ? ». Et les disciples, ravis, répondent volontiers en se référant à la rumeur, sur ce qu’ils ont pu entendre autour d’eux dans les murmures de la foule, une foule émerveillée par les miracles du Rabbi : « Pour les uns, le fils de l’homme est Jean Baptiste ; pour d’autres, Elie; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes ».
Vous entendez les affirmations. Le point commun entre toutes ces propositions, est qu’elles se réfèrent toutes à des personnages du passé. Cela fait que les gens voyaient en Jésus un homme comparable aux grands hommes du passé ! Donc, et cela est essentiel, cette attitude dit que la nouveauté du message et des interventions de Jésus n’était pas encore perçue. Jésus était vu peut-être comme le meilleur du passé…. Mais en tout cas pas comme une personne nouvelle. Voilà l’erreur !
Et de fait, il est toujours rassurant de se dire que Jésus n’apporte somme toute rien d’original. Il est rassurant d’imaginer qu’il ne fait que répéter ce qui s’est déjà dit par le passé : CELA PERMET D’ELUDER LA QUESTION D’UNE VERITABLE CONVERSION. De fait, pourquoi changer si c’est toujours la même rengaine ? Pourquoi changer si c’est toujours la même chose ? Pourquoi se convertir s’il n’y a rien de nouveau sous le soleil ?
Mais il va sans dire qu’une telle interprétation de la Personne du Christ se méprend totalement sur son identité et sa mission. Nous l’affirmons dans la foi : JESUS N’EST PAS VENU POUR REDIRE, MAIS POUR ACCOMPLIR. Il n’est pas venu pour prolonger une vieille histoire, mais pour ouvrir des temps nouveaux. Il ne se contente pas de faire écho aux enseignements de la tradition ancestrale, mais il ouvre une voie vers un au-delà, un au-delà que l’homme ne pouvait même pas pressentir, un au-delà inatteignable par nos seules ressources.
Vous entendez bien, plus encore qu’une doctrine, c’est un « chemin » que Jésus déploie devant nous. Il l’a dit, et en ce sens, il se distingue des grands personnages du passé, tel Socrate, Gandhi ou Martin Luther King. Et de fait, ces derniers n’ont jamais dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » ou encore « qui m’a vu a vu le Père ».
Jésus n’est pas un théoricien. Sa grandeur n’est pas d’abord dans sa Parole, mais dans ses œuvres. Ou plus précisément dans l’extrême identité entre sa Parole et ses œuvres. Pour le dire clairement : Jésus est ce qu’il dit. Entre sa Parole et son être, il y a plus qu’une convenance, plus qu’une adéquation, il y a identité : « il est ce qu’il dit ».
Rappelez-vous la deuxième lecture : « Ainsi, celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : « tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi. »
Oui, Jésus est, pourrait-on dire, l’Incarnation de cette parole de St Jacques. Il est ce qu’il dit. Sa foi se prouve dans les œuvres. Il est le chemin, la Vérité et la Vie. Et il l’est au sens propre. Ce n’est pas une image. C’est la réalité. Qui le voit, voit le Père. Il est Dieu. Né de Dieu. Lumière, né de la Lumière. Son humanité est le chemin qui nous conduit à Dieu.
Oui, Jésus n’est pas un théoricien. Il n’a d’ailleurs jamais prêché sur la Résurrection. IL L’A VECU. IL EST RESSUSCITE. C’est donc bien un chemin que Jésus déploie devant nous. Un chemin sur lequel il passe le premier pour rejoindre le Père, entraînant à sa suite ceux qui ont pressenti la radicale nouveauté de son enseignement et qui lui font confiance.
Et maintenant voici que Jésus va interroger les disciples eux-mêmes sur le même thème. « Et vous que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ».
Et la réponse admirable vient de Pierre : « Tu es le Messie ».I.e. Tu es le Christ, annoncé par les prophéties. Par ces quelques mots tout à fait remarquables, PIERRE CONFESSE DONC LA FOI CHRETIENNE DANS SON INTEGRALITE ! Pierre a bien parlé. Il a parlé comme un modèle de foi chrétienne authentique. Par ces profondes paroles, Pierre manifeste son ouverture à la grâce d’en haut.
Alors voilà, c’est clair. Nous avons la bonne réponse. Jésus est le Messie de Dieu. On peut maintenant faire la fête. Tout est bien qui finit bien.
Mais non, et voici que notre évangile prend un tour inattendu : au lieu de nous parler de ce qui aurait été prévisible, de paix, de libération, de fin de tous les maux, de toutes les larmes à essuyer, voilà que Jésus leur annonce étonnament les souffrances qui l’attendent, son arrestation, sa mort, et très mystérieusement, sa Résurrection.
Et plus déroutant encore, décrivant le chemin du disciple, i.e. de celui qui veut suivre le Messie, et bien Jésus demande ni plus ni moins que de prendre sa croix à la suite du maître, et marcher sur le chemin même qu’il a suivi.
Entendez comme toute cette attitude est déroutante ! A coup sûr, jamais les disciples ne s’étaient imaginés un tel Messie ! Et de telles conditions pour le suivre.
Entendez bien : le mystère est moins le fait que Jésus soit le Messie que le fait qu’il soit un Messie souffrant, transpercé, immolé comme agneau à l’abattoir.
L’extraordinaire de Jésus, s’est qu’il manifeste sa grandeur en s’abaissant, en prenant la dernière place, en se faisant serviteur, allant jusqu’à donner sa vie sur la croix. L’extraordinaire de Jésus, c’est qu’il ne demande pas aux disciples d’être grands, mais de marcher à sa suite sur ce même chemin : un chemin d’humilité.
Seigneur, je crois que tu es le Messie. Le fils de Dieu. La révélation de l’Amour.
Je veux répondre à ton appel…mais j’ai un peu peur de cette histoire de croix à prendre.
Aide-moi à m’oublier plutôt que me réaliser, à te servir plutôt que me servir.
Seigneur, à ta suite, je veux faire de ma vie un don.
Je crois en tes paroles : pour sauver ma vie, je dois la perdre. Je dois la donner.
Alors aide-moi Seigneur à renoncer chaque jour un peu à moi-même.
Oui, je veux tout faire à ton exemple, toi qui nous aimés et t’es livré pour nous.
Amen.
Père Jérôme Jean.
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