Depuis les années 1980, un phénomène égaie chaque jour rues et ruelles de Chine: la danse-gymnastique de groupe. Un pourcentage non négligeable de la population a pris l’habitude d’investir à la tombée de la nuit tout trottoir, toute place, tout jardin disponible. Vers 20h en été, 18h en hiver, les gens se retrouvent par groupe de cinq, dix, vingt ou même cent personnes, pour s’adonner à des exercices physiques en tout genre.
Une version chrétienne du phénomène est apparue, il y a quelques années, à Taïwan, rapporte le 30 juin 2016 Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris.
En 2010, la plus importante Eglise protestante de Fuzhou, au sud-est de la Chine, a invité une célèbre danseuse-gymnaste de Taipei, Wu Meiyun, «Madame Wu», pour présenter sa technique et sa philosophie. Cette dame, relativement âgée mais à l’apparence tonique, a suscité l’admiration de ceux qui la rencontrèrent. Madame Wu, qui a été éduquée dans une école presbytérienne et a vécu longtemps aux Etats-Unis, avait créé la même année son propre groupe de gymnastes chrétiennes, avec l’ambition d’en faire un outil d’évangélisation.
Techniquement, il s’agit de faire des pas et enchaînements rythmés sur des chants chrétiens, en groupe, dans une sorte de louange collective. Initialement, l’exercice se pratiquait le matin dans les parcs publics de Taipei et laissait venir à lui les personnes appréciant la manière de faire. Ce n’est qu’après un certain temps, quand la familiarité et l’amitié s’étaient instaurées entre les nouveaux venus et la leader, que cette dernière commençait à parler de Jésus Christ et de la Bonne Nouvelle. Cette gymnastique chrétienne est aujourd’hui assez répandue à Taïwan. Ses adeptes se reconnaissent notamment par une tenue vestimentaire emblématique qu’on retrouve jusqu’au sein des communautés catholiques.
Depuis la visite de Madame Wu à Fuzhou, les «Exercices de Louange» prospèrent en Chine continentale. Il existe 70 lieux de rencontre dans la seule ville de Fuzhou et plus de 3’000 gymnastes-danseurs se retrouvent chaque jour par petits groupes d’affinité matin ou soir. Loin d’être le phénomène d’une seule Eglise (on dénombre 32 communautés protestantes différentes à Fuzhou), les exercices sont devenus un mouvement chrétien relativement autonome, qui visent principalement à évangéliser à travers les mouvements corporels.
Les passants qui se joignent aux groupes apprécient cette combinaison de chants chrétiens et de pratiques sportives se vivant de manière décomplexée en plein jour et en pleine rue.
Il y a aujourd’hui plus de 200 coordinateurs de groupes à Fuzhou qui animent les 70 lieux de rencontre. Ceux-ci reconnaissent que sans l’audace de Madame Wu, ils n’auraient jamais osé sortir dans les rues de la sorte pour ouvertement pratiquer une gymnastique chrétienne et évangéliser. Si les responsables sont tous chrétiens et se retrouvent régulièrement pour prier, la majorité des pratiquants réguliers sont des non-chrétiens. Ces exercices corporels sur musique chrétienne deviennent ainsi l’occasion d’un réel temps et lieu de rencontre physique de l’Evangile, assure EdA.
A partir de Fuzhou, les «Exercices de louange» se sont répandus dans les neuf préfectures de la province du Fujian, et une association provinciale a été mise en place pour capitaliser les savoirs et encourager l’évangélisation. Au-delà du Fujian, des villes comme Shanghai, Pékin, les provinces du Henan, du Guangdong, du Zhejiang, du Shandong, etc. s’approprient ces pratiques.
Le paradoxe est qu’aujourd’hui ces exercices se développent mieux en Chine continentale qu’à Taïwan, leur pays d’origine. Ils offrent surtout aux chrétiens chinois une nouvelle manière de se rendre présents, visibles et audibles dans l’espace public, bien au-delà des seuls discours et prédications des pasteurs et responsables traditionnels de communautés, note EdA. (cath.ch-apic/eda/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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