Des visites d’édifices reproduisant la mosquée bleue d’Istanbul, le Taj Mahal, ou encore un «Palace Doré» bâti sur le modèle d’une mosquée, sont au programme du parc d’attraction. On trouve des noms de rues écrits en arabe et un spectacle son et lumière inspiré du conte des Milles et Une Nuits, mais avec un Aladin né en Chine. Pour une expérience encore plus «immersive et authentique», le visiteur peut s’habiller en habits traditionnels musulmans, en déboursant quelques yuans au magasin de souvenirs du parc, rapporte le 29 juin 2016 Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Pour visiter une «mosquée», il est proposé aux femmes de revêtir une abaya, ce vêtement ample, noir le plus souvent, qui ne laisse apparaître que les pieds et les mains.
L’implantation du parc d’attraction, à Yinchuan, dans la région autonome hui du Ningxia ne doit rien au hasard, affirme EdA. L’une des plus petites et des moins peuplées des provinces du pays, le Ningxia, abrite une grande partie de la minorité des Huis de Chine populaire. Ces derniers sont des Hans musulmans et ils parlent le mandarin. Les Hans constituent la principale ethnie de Chine, représentant environ 92% de la population chinoise.
L’attitude du pouvoir à l’égard des Huis contraste ainsi avec celle réservée aux Ouighours et autres minorités musulmanes de l’extrême ouest chinois, au Xinjiang. La méfiance des autorités à l’égard de ces derniers se traduit par de nombreuses mesures discriminatoires: interdiction de port de vêtements traditionnels musulmans jugés extrémistes, restriction des pratiques liées au ramadan, arrestations pour suspicion de terrorisme et de liens avec l’organisation djihadiste Etat islamique (EI), note EdA.
Au Ningxia, les autorités tentent de développer la région comme un pôle d’attractivité et une porte d’entrée du monde arabe en Chine. La «World Muslim City» est ainsi entourée d’hôtels et de palais des congrès destinés à accueillir commerçants et investisseurs. Par ailleurs, le fait que le parc d’attraction soit construit au Ningxia plutôt qu’au Xinjiang a sans doute à voir avec une volonté de parer à tout risque terroriste potentiel ainsi qu’avec le désir de mettre en avant les musulmans Huis sinophones plutôt que les musulmans turcophones du Xinjiang.
Depuis quelques années, la Chine fait cependant l’objet de critiques à l’étranger pour sa gestion des musulmans, notamment des Ouighours, qui ressentent vivement l’implantation massive de «colons» Hans sur leurs terres. En 2015, la Turquie a publiquement dénoncé la politique chinoise envers les musulmans du pays. La déclaration avait entraîné des actes de vandalisme contre des établissements chinois à Istanbul. En décembre dernier, l’organisation Etat islamique (EI) a mis en ligne un texte chanté dans un mandarin parfait pour appeler les musulmans de Chine, sans distinguer entre Hans et Huis, à «se réveiller pour mettre fin à des siècles de sujétion».
Selon certains observateurs, ce projet de «Disneyland musulman» s’inscrit dans la volonté de Pékin d’améliorer ses relations avec le monde arabe, à l’heure où les liens économiques entre la Chine et cette région du monde vont croissant. Avec un tel parc d’attraction arabo-musulman, la Chine souhaite montrer au monde arabe qu’il existe entre les deux univers une histoire et une culture partagées.
Pour autant, selon certains analystes, le projet de la World Muslim City, le plus cher et le plus pharaonique de la région, n’a pour l’instant pas encore réussi à susciter l’enthousiasme des touristes arabes. L’aéroport de Yinchuan a néanmoins prévu de construire un terminal supplémentaire pour accueillir les musulmans du monde entier et des vols directs en provenance d’Amman, en Jordanie, et de Kuala Lumpur, en Malaisie, seront prochainement ouverts. (cath.ch-apic/eda/rz)
Raphaël Zbinden
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