«Le pape visite la première nation chrétienne». Dans les rues d’Erevan, la capitale, impossible de ne pas remarquer la centaine de panneaux géants qui marquent la présence de François dans ce pays sans pareil, à la frontière de l’Europe et de l’Asie. Tout le peuple se mobilise depuis des mois pour préparer cette visite qui débute le 24 juin 2016.
Le programme, particulièrement dense, est ponctué de gestes hautement symboliques, à commencer par la rencontre, ce vendredi, du chef spirituel de l’Eglise arménienne, le catholicos Karekin II dans son fief d’Etchmiadzin, à quelques kilomètres de la capitale.
Elle revêt une importance particulière pour le peuple arménien dont la foi constitue l’identité nationale depuis la conversion du roi Tiridate IV en 301. L’Arménie peut ainsi se targuer d’être la première nation à avoir adopté le christianisme comme religion d’Etat, avec quelques longueurs d’avance sur l’Empire romain.
Depuis, l’Eglise arménienne, qui n’est ni catholique ni orthodoxe, mais unique et indépendante, n’a cessé de renaître de ses cendres. Dernière «résurrection» en date: 1991, lorsque prenait fin l’emprise soviétique. «Pendant environ 70 ans, sous le communisme, l’Eglise s’est consumée, mais sans jamais disparaître», explique le Père Marcos Mankasaryan, responsable des projets sociaux d’Etchmiadzin, le «Vatican arménien».
«La braise était là qui ne demandait qu’à embraser à nouveau la foi des fidèles», ajoute avec conviction ce jeune quarantenaire en soutane, marié – comme la grande majorité du clergé arménien – et père de trois enfants. Et c’est là, selon lui, la véritable mission de l’Eglise. Elle vise à déployer l’appartenance identitaire commune dans «une expérience spirituelle du Christ, qui nous sauve du péché». En d’autres termes: passer du culturel au spirituel.
Le génocide de 1915, qui coûta la vie à 1,2 million d’Arméniens, occupe également une place importante dans la visite du pape François. Une année après avoir qualifié de «premier génocide du XXe siècle» le massacre systématique du peuple, de la culture et de la foi arméniens, il se rend, le 25 juin, au mémorial des victimes à Tsiternakaberd.
«Si le pape visite l’Arménie, ce n’est pas au nom d’une amitié pour notre peuple, commente le Père Marcos, c’est tout simplement parce qu’il est un ‘combattant pour la justice’. Il a prononcé avec courage le mot de ‘génocide’ en avril 2015, lors d’une messe qu’il présidait pour le centenaire du martyr arménien». Et selon le Père Marcos, cette reconnaissance «a certainement influencé le vote du parlement allemand le 2 juin dernier», qui condamnait à son tour le génocide.
Samedi, en fin de matinée, François célèbrera également un messe dans la deuxième ville du pays, Gyumri. Fidèle à ses habitudes, le pape se rend à nouveau dans les périphéries. Il visite une ville détruite à 60% en 1988 par un tremblement de terre de magnitude 6,8 sur l’échelle de Richter et qui peine à se remettre de ce séisme.
Sur place, il rencontrera la petite communauté catholique d’Arménie, peu nombreuse – moins de 3% de la population est catholique – mais ancienne, puisque ses origines remontent au Moyen-Age, au temps où certains croisés se sont installés dans la région.
Si le programme de cette visite est bien ficelé, il n’est pas pour autant celui prévu initialement par François, qui souhaitait poser des gestes forts aux frontières avec la Turquie et l’Azerbaïdjan. Devant le refus des autorités arméniennes, le Vatican a dû finalement y renoncer.
Au-delà de ces enjeux socio-politiques et spirituels de la visite du pape, c’est tout simplement l’homme François qui touche les Arméniens. «Ce pape c’est une figure universelle de paix et un homme authentique. Il est le maître d’œuvre d’une révolution de simplicité au Vatican qui le rapproche de tous les hommes ordinaires», confie Azniv Aslikyan, collaboratrice de Kasa à Erevan, une ONG helvético-arménienne. Une simplicité qui est en passe de conquérir le cœur des Arméniens.
L’Eglise apostolique d’Arménie
L’Eglise arménienne est dite apostolique parce que, selon la tradition, elle remonte aux apôtres Thaddée et Barthélémy. Au-delà des légendes qui entourent la conversion du roi Tiridate IV au seuil du IVe siècle, le fait est là que le christianisme devint religion officielle à une date que les historiens situent entre 296 et 317 (301 pour l’histoire officielle). Vacillante, sous le joug des invasions, face à la barbarie du génocide ou sous l’emprise communiste, la foi des Arméniens n’a cessé de renaître de ses cendres, se profilant ainsi comme un élément structurant de l’identité nationale. Elle regroupe aujourd’hui, sous la houlette du catholicos Karekin II, 94,7% de la population arménienne. (cath.ch-apic/pp)
Pierre Pistoletti
Portail catholique suisse
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