Cette augmentation du nombre de ces exécutions extrajudiciaires est très inquiétante indique un communiqué des évêques du 20 juin 2016. Les forces de police paraissent avoir la gâchette plus facile depuis l’élection à la présidence de la République, le 9 mai dernier, de Rodrigo Duterte. Selon des sources policières, les forces de l’ordre ont tué onze personnes suspectées d’être en lien avec le trafic de stupéfiants, lors d’opérations spéciales le week-end dernier, rapporte Eglises d’Asie. Selon le porte-parole de la police nationale philippine, Wilben Mayor, plus de 40 personnes suspectées d’être impliquées dans des trafics de drogues ont été tuées par la police ces six dernières semaines, contre 39 durant les quatre mois précédents.
Elu le 9 mai 2016 sur un programme populiste, Rodrigo Duterte, 71 ans, doit prêter serment ce 30 juin pour un mandat de six ans à la tête des Philippines. Lors de la campagne électorale, il a promis d’éliminer des dizaines de milliers de criminels. Connu pour sa propension à tenir des propos outranciers, il est allé jusqu’à dire que 100’000 personnes seraient abattues et que leurs corps seraient jetés dans la baie de Manille pour y engraisser les poissons. Il a aussi annoncé qu’il donnerait à la police le droit de «tirer pour tuer». En tant que maire de Davao, la ville qu’il a dirigée durant plus de vingt à Mindanao, il avait abondamment usé de méthodes expéditives et extrajudiciaires.
Depuis son élection, le nouveau président philippin a prévu de demander au Congrès de rétablir la peine de mort, abolie aux Philippines en 2006; pour des crimes comme le trafic de drogue, les viols, les meurtres et les vols.
A Manillé, les spéculations sur ces assassinats vont bon train. Pour certains, ces homicides ont été commis par des membres de la police impliqués eux-mêmes dans le trafic de stupéfiants, afin d’éliminer des témoins gênants qui auraient pu les dénoncer et leur faire craindre le même sort. Pour le chef de la police nationale, Ronald dela Rosa, les trafiquants de drogue ont été tués lors d’opérations légitimes.
Face à ce contexte tendu évoquant les escadrons de la mort mis en place par Rodrigo Duterte, à Davao, le président de la Conférence épiscopale (CBCP), Mgr Socrates Villegas, a tenu à rappeler les principes éthiques. «Bien que nous comprenions les difficultés que peuvent rencontrer les forces de l’ordre, l’Eglise compte sur vous pour que la société puisse bénéficier d’un régime dont les lois sont justes et les institutions honnêtes et équitables. L’évêque rappelle que les forces de l’ordre ne peuvent tirer sur une personne qu’en cas de légitime défense et que tirer directement sur un suspect n’est moralement pas justifiable. Il n’est pas non plus possible de recevoir une rétribution financière après avoir tué quelqu’un. Les évêques philippins ont également fait savoir qu’ il est du devoir de chaque citoyen de signaler tout acte d’auto-justice dont il aurait connaissance. Le 19 juin, le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, a appelé tous les Philippins à estimer la vie humaine et à rejeter la culture de la mort. (cath.ch-apic/eda/mp)
Maurice Page
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