Petit pays enclavé, plutôt pauvre: moins de 30 000 km2 (superficie de la Belgique), avec sans doute moins de 3 millions d’habitants. Mais foyer national pour les 8 ou 10 millions d’Arméniens de la diaspora. L’Arménie est un pays laïc (dirait-on en France) mais le christianisme y constitue un pilier de l’identité arménienne. Les catholiques, regroupés dans une Eglise arménienne catholique, forment moins de 5% de la population et entretiennent d’excellentes relations avec les membres de l’Eglise arménienne apostolique (plus de 90% de la population).
De la longue histoire arménienne, il convient de retenir la date de 301: officiellement, le royaume d’Arménie devient chrétien à cette époque. C’est-à-dire avant l’Empire romain (313). Source de fierté pour l’Arménie qui aime à se présenter comme le premier pays chrétien de l’histoire. Autre sujet de fierté: l’alphabet arménien. Troisième repère identitaire: le Mont Ararat qui culmine à plus de 5’000 mètres, visible depuis la capitale Erevan… mais qui se trouve aujourd’hui en Turquie. C’est là que l’arche de Noé se serait échouée !
L’Arménie d’aujourd’hui n’occupe qu’une petite partie de l’Arménie historique. De même que les 3 millions d’habitants officiels du pays ne sont qu’une minorité parmi les Arméniens au plan mondial. La majeure partie de ce peuple est constituée de sa diaspora: Russie, Etats-Unis, Europe occidentale, divers pays du Moyen Orient…
L’Arménie a été jadis bien plus étendue qu’aujourd’hui. Et a toujours dû se défendre contre ses voisins. Pris en étau entre les empires russe et perse (XVIIIe siècle), les Arméniens ont souffert, perdu des territoires, connu des déportations en Perse (l’Iran d’aujourd’hui). De la rivalité au XIXe siècle entre les Empires russe et ottoman (Turquie actuelle), les Arméniens ont à nouveau souffert, perdu des territoires, subi des massacres et finalement le génocide de 1915, premier génocide du XXe siècle (entre 1,2 et 1,5 millions de victimes).
La jeune république arménienne (1918) ne parviendra pas à garder son indépendance face à la Turquie nouvelle, et finalement trouvera un refuge au sein de l’Union Soviétique qui vient de naître et qui l’intégrera dans une éphémère république transcaucasienne (1920) née sur les décombres de l’Empire tsariste.
Selon la politique bien connue de Staline, l’Arménie aura des frontières artificielles avec sa voisine l’Azerbaïdjan. On doit signaler en particulier l’enclave du Haut Karabakh, peuplée d’Arméniens mais rattachée à l’Azerbaïdjan, dont la population est turcophone et musulmane. Traditionnellement entourée de pays hostiles, l’Arménie a joué longtemps la carte de l’alliance avec la Russie/Union soviétique. Jusqu’à aujourd’hui. L’Arménie a intégré l’Union économique eurasiatique créée par le président Poutine pour concurrencer l’Union européenne et compter ses amis.
Lors de l’effondrement de l’empire soviétique (1989-1991), l’Arménie comme toutes les anciennes républiques de l’Union soviétique, proclame son indépendance (21 septembre 1991) et se trouve déjà en conflit militaire avec sa voisine, l’Azerbaïdjan à cause du Haut Karabakh qui avait proclamé unilatéralement son indépendance. Sans compter que le pays devait se relever d’un séisme meurtrier (100’000 morts en 1988).
La jeune et souveraine Arménie débute sa vie indépendante sous le régime de la guerre. Cela ne facilite pas l’affermissement d’une vie politique démocratique. La militarisation de la société et de la politique joue un rôle néfaste pour la jeune république. De même que la corruption omniprésente. L’Arménie occupe militairement le corridor entre l’Arménie et le Haut Karabakh, environ 20% du territoire azéri, ce qui est contraire au droit international et ne saurait durer pour toujours.
L’appareil industriel hérité de l’Union soviétique se trouve surtout dans le nord du pays. Très intégré au système industriel soviétique, avec nombre d’usines d’armement, cette industrie est aujourd’hui largement ruinée et réduite à un chapelet d’usines fermées en déshérence.
Le pays vit aussi grâce aux investissements de la diaspora arménienne vers la «mère patrie». Depuis une dizaine d’années, la croissance est revenue. Le pays reste tout de même très pauvre: environ 4’000 dollars de PIB par tête (pour plus de 40’000 pour la France). Les personnes âgées isolées, les habitants des zones rurales, ceux qui n’ont pas de famille dans la diaspora constituent des poches de pauvreté.
Ce pays est-il en Europe ou en Asie? Question géographique innocente, avec de fortes connotations culturelles et politiques.
Avec ses voisins, Géorgie et Azerbaïdjan, l’Arménie est entrée au Conseil de l’Europe et partage donc le patrimoine politique du continent, avec son idéal d’Etat de droit, de respect des droits humains, de prééminence du droit sur la force… Le pays est aussi membre de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe). L’OSCE joue les bons offices dans la crise avec le voisin azéri.
Comme ancienne république de l’Union soviétique, l’Arménie reste très proche de Moscou, mais souhaiterait tisser des liens plus étroits avec l’Union européenne et avec les Etats-Unis. Si on parle aux Arméniens sur place, ils se sentent vexés et mal aimés des autres Européens, lorsque ceux-ci ne les considèrent pas comme européens.
Ce pays est-il en Europe ou en Asie? Question géographique innocente, avec de fortes connotations culturelles et politiques.
Au plan de l’Eglise catholique, le diocèse catholique d’Arménie ne fait pas partie du CCEE (qui regroupe les conférences épiscopales de l’Europe), pas non plus du FABC (Conférences épiscopales d’Asie). Mais l’Eglise arménienne catholique, avec sa grande sœur l’Eglise arménienne apostolique font partie du Conseil des Eglises du Moyen Orient (Middle East Council of Churches). Contrairement au Conseil Œcuménique des Eglises basé à Genève, où les catholiques sont absents, le MECC regroupe toutes les Eglises chrétiennes, catholique comprise.
L’Eglise chrétienne apostolique et autocéphale arménienne est très largement majoritaire dans le pays. L’Eglise arménienne et l’Eglise catholique ont été séparées au cours de l’histoire pour des raisons géographiques et politiques plus que pour des raisons théologiques. L’Eglise arménienne n’est pas «orthodoxe» au sens courant du mot, elle est dite pré-chalcédonnienne parce que cette Eglise n’accepte que les premiers conciles, ceux d’avant le Concile de Chalcédoine en 451. Depuis 1441, le catholicos d’Etchmiadzin, près d’Erevan, a une primauté d’honneur au titre de «catholicos de tous les Arméniens». Sous Staline, le clergé a été systématiquement éliminé, jusqu’au catholicos Khoren Ier, assassiné en 1938.
L’unité de l’Eglise arménienne repose sur son rite, l’un des cinq rites principaux de l’Eglise d’Orient. Elle se flatte d’avoir conservé une antique liturgie.
Les Arméniens «unis», c’est-à-dire rattachés à l’Eglise de Rome, quoique de rite oriental, entretiennent les meilleurs relations avec l’Eglise apostolique du pays. A cause des persécutions, Mkhitar de Sébaste (1676-1749), un jeune prêtre arménien converti au catholicisme milite activement en faveur d’un renouveau culturel arménien. Il se réfugie en Occident, fonde une congrégation, installe ses disciples, les Mkhitaristes, dans l’île de San Lazzaro, à Venise. Avec son imprimerie, cet ordre reste, jusqu’à aujourd’hui, l’un des foyers les plus brillants de la langue, de la littérature et des études arméniennes. Ce rôle culturel des Arméniens catholiques explique en partie les bonnes relations entre catholiques et chrétiens apostoliques arméniens.
L’Eglise arménienne catholique regroupe aujourd’hui 1 à 5% de la population. Les catholiques arméniens vivent principalement dans le nord de l’Arménie. Le pape leur rendra visite en célébrant la messe à Gyumri. L’Eglise arménienne catholique se compose du seul diocèse de Gyumri, en Arménie même. L’apparition du protestantisme en Arménie date du XIXe siècle. Bien que très minoritaires, les Eglises protestantes sont très actives aujourd’hui en Arménie, notamment dans le domaine caritatif.
Le Catholicos (primat) de l’Eglise arménienne réside à Etchmiazin, à quelques kilomètres de la capitale Erevan. Le patriarche de l’Eglise catholique arménienne réside à Beyrouth, au Liban. Il préside une Eglise surtout présente dans la diaspora, avec des diocèses (éparchies) partout dans le monde. (cath.ch-apic/cef/rz)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/christianisme-pilier-de-lidentite-armenienne/