Pressions politiques pour «unifier» l'Eglise orthodoxe en Ukraine

Le parlement ukrainien fait pression pour que le patriarche œcuménique Bartholomée garantisse l’autocéphalie de l’Eglise orthodoxe ukrainienne (EOU-PM) et la détache du Patriarcat de Moscou à laquelle elle est canoniquement rattachée.

Cette intervention politique dans la vie de l’Eglise a été soutenue à Kiev par 245 parlementaires contre 20, une abstention et 66 parlementaires qui n’ont pas voté. Président du parlement, le «Verkhovnaya Rada», l’ultranationaliste Andrey Paruby a lancé un appel au patriarche de Constantinople pour qu’il invalide la décision prise en 1686, qui a fait passer à cette époque la métropolie de Kiev sous la juridiction du Patriarcat de Moscou.

Une intervention qui n’a rien d’ecclésiale

Le politicien ukrainien estime que cet acte avait été fait «en violation des canons sacrés» de l’Eglise et affirme que la séparation de l’Eglise d’avec Moscou est une question de «sécurité nationale».

«Je crois que l’Ukraine doit avoir une Eglise orthodoxe ukrainienne unifiée», a-t-il déclaré à la presse, soulignant que le patriarche œcuménique serait en mesure de prendre une «décision  historique» concernant «la restauration de l’Eglise orthodoxe ukrainienne». Il aimerait faire disparaître l’EOU-PM, l’Eglise orthodoxe ukrainienne reconnue canoniquement par l’ensemble des Eglises orthodoxes au plan international, pour la fondre dans l’Eglise orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev (EOU-PK), une église dissidente considérée comme schismatique.

Vasily Anisimov, chef du service de presse de l’Eglise orthodoxe ukrainienne rattachée au Patriarcat de Moscou, a relevé que les députés qui ont lancé cet appel au patriarche de Constantinople sont «incompétents». Qualifiant ce vote «d’absurde», il a demandé aux autorités ukrainiennes d’intervenir. Les députés ukrainiens auraient tout aussi bien pu demander l’invalidation du résultat de la Guerre du Péloponnèse, qui s’est déroulée au Ve siècle av. J.-C., a-t-il ironisé.

Interférences illégales

Il a déploré «le niveau extrêmement bas de la conscience juridique de nos parlementaires: en Ukraine, l’Eglise est séparée de l’Etat, protégée par la Constitution et les lois, et les interférences dans ses affaires internes est illégal!»

Vasily Anisimov a relevé que c’était l’Eglise qui déciderait elle-même du statut dont elle a besoin. «Je crois que le président de l’Ukraine est le garant de la Constitution et le bureau du procureur général devrait réagir à cette demande» qu’il a qualifiée de «bolchévique», et «anti-ecclésiale».

Depuis plusieurs années, sur fond de surenchère nationaliste, diverses Eglises orthodoxes se font concurrence. La lutte pour la prise de contrôle des églises appartenant à l’Eglise orthodoxe ukrainienne (EOU-PM), rattachée canoniquement au Patriarcat de Moscou, se poursuit sous haute tension.

Une Eglise non canonique

De nombreux lieux de culte de l’EOU-PM sont occupés pour le compte de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev (EOU-PK). Il s’agit pour cette dernière d’une Eglise orthodoxe dissidente non canonique née en 1992, après l’indépendance de l’Ukraine, d’un schisme de l’Eglise orthodoxe du Patriarcat de Moscou en Ukraine. Bénéficiant de l’appui des autorités actuelles de Kiev, considérée comme «schismatique» par l’orthodoxie au niveau mondial, l’EOU-PK est la deuxième Eglise en importance avec ses 5’000 paroisses, après l’EOU-PM, qui compte 12’000 paroisses dans le pays. (cath.ch-apic/risu/interfax/be)

 

Jacques Berset

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