Après avoir prié devant un «mur de la mémoire» pour les membres du PAM ayant perdu leur vie dans l’exercice de leur profession, le pape François a souhaité que cette organisation des Nations unies demeure un instrument précieux de la communauté internationale pour entreprendre des activités toujours plus vigoureuses et efficaces en vue de réaliser «l’objectif tellement désiré de ›faim zéro’».
Mais, a déploré le pape en pointant un paradoxe, l’information excessive dont nous disposons génère progressivement la «naturalisation» de la misère et «nous sommes peu à peu immunisés contre les tragédies des autres et nous les considérons comme quelque chose de naturel (…) Les images qui nous envahissent sont si nombreuses que nous voyons la souffrance, mais nous ne la touchons pas; nous entendons des pleurs, mais nous ne consolons pas ; nous voyons la soif, mais nous ne l’étanchons pas», a-t-il déploré.
«Disons-le clairement, a appuyé le pontife, le manque d’aliments n’est pas quelque chose de naturel, ce n’est une donnée ni obvie, ni évidente (…) Le fait qu’aujourd’hui, en plein 21e siècle, beaucoup de personnes souffrent de ce fléau est dû à une distribution des ressources égoïste et mauvaise, à une ›marchandisation’ des aliments», a-t-il regretté dans son discours en espagnol.
Dès lors, le chef de l’Eglise catholique a pointé la nécessité de «débureaucratiser la faim" dans un monde où certaines actions semblent véritablement bloquées, où les armes ont une prépondérance telle dans les conflits en cours qu’elles ont complètement marginalisé les autres manières de résoudre les différends.
«Nous nous trouvons ainsi devant un phénomène étrange et paradoxal, a expliqué le pape; tandis que les aides et les plans de développement sont contrecarrés par des décisions politiques compliquées et incompréhensibles, par des visions idéologiques biaisées ou par des barrières douanières infranchissables, les armes elles ne le sont pas; peu importe la provenance, elles circulent avec une liberté fanfaronne et presque absolue dans de nombreuses parties du monde».
Le pape François a appelé à «débureaucratiser tout ce qui empêche les plans d’aide humanitaire d’atteindre leurs objectifs» et jugé que le PAM avait «un rôle fondamental, puisque nous avons besoin de véritables héros capables d’ouvrir des chemins, de construire des ponts, de faciliter les opérations qui mettront l’accent sur le visage de celui qui souffre (…) Les initiatives de la communauté internationale, a souhaité le pape, doivent également être orientées vers cet objectif».
Peu avant de prendre la parole devant l’assemblée du PAM, le pape avait conversé avec sa directrice exécutive, l’Américaine Ertharin Cousin. Ils ont évoqué leur rencontre au Vatican, trois ans plus tôt, alors que l’Américaine revenait de Syrie. Ertharin Cousin a alors confié au pape que son organisation continuait d’alimenter près de quatre millions de Syriens tous les mois. Dans un monde qui «se suralimente», a confié le pape, «la faim dans le monde est un scandale» et «la faim des enfants encore plus». Il a aussi confié avoir été impressionné lorsqu’il voyait, dans son ancien diocèse de Buenos Aires, les gens fouiller dans les restes alimentaires des restaurants de la capitale argentine, une ville pourtant «riche!» (cath.ch-apic/imedia/ami/rz)
Raphaël Zbinden
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