Avec cette focalisation sur les «musulmans», la revue «terra cognita" note un retour remarqué de la religion dans l’actualité. La revue de 124 pages traite, dans son numéro 28/2016, de la diversité des confessions et de la sécularisation grandissante de la société, ainsi que de l’influence de la migration sur la religion.
Quelle est la place de la religion dans la société de migration qu’est la Suisse ? Pourquoi les personnes venues de Bosnie, de Turquie ou du Kosovo sont-elles perçues depuis quelques années comme des musulmans ? Pourquoi une poignée de femmes portant le niqab déclenchent-elles des débats nationaux sur les valeurs de la Suisse, pourquoi les Suisses y voient-ils une menace pour l’héritage chrétien occidental ? Comment expliquer l’intérêt soutenu du public pour les thèmes religieux, alors que de plus en plus de personnes disent n’appartenir à aucune confession ?
Le nouveau numéro de «terra cognita» publié le 19 mai 2016 présente les résultats issus de la recherche à ce sujet et donne la parole à des dignitaires religieux, mais aussi à des personnes sans confession, à des experts de la migration, à des croyants et à des non-croyants. Michele Galizia, responsable du Service de lutte contre le racisme, parle d’une «religionalisation» du débat sur la migration qui, en fait, se limite pratiquement à l’islam.
Anaïd Lindemann, chargée de recherche en sociologie des religions à Lausanne, qui s’est penchée sur l’évolution du discours public depuis les années 1970, fait le même constat: dans le temps, on parlait «d’Italiens», aujourd’hui, il est question de «musulmans». Alors que tous les regards sont tournés vers les musulmans, les autres communautés religieuses comme les hindous du Sri Lanka, les bouddhistes de Thaïlande ou les divers groupes évangéliques des Etats-Unis, retiennent très peu l’attention.
Autre exemple: Rafael Walthert, professeur assistant au séminaire de science de religion à l’Université de Zurich, a étudié la question de savoir ce qu’il advient des nombreuses églises, très bien situées dans les centres villes, qui ne voient presque plus de fidèles, tandis que dans le même temps les nouvelles communautés religieuses – et non seulement les musulmans – cherchent désespérément des lieux de culte.
L’interview de la prêtresse hindoue Mala Jeyakumar, qui travaille à la Maison des religions à Berne, montre que l’éloignement du pays natal et le changement de contexte qui s’y rattache peuvent mener à une métamorphose des communautés religieuses.
En effet, en 2015 elle a été consacrée prêtresse, un parcours qui serait impensable au Sri Lanka. «Ainsi, note la revue ‘terra cognita’, la société d’accueil a bel et bien une influence sur les usages hérités de la tradition», les croyances et les pratiques religieuses évoluant dans le contexte de la migration. (cath.ch-apic/com/cfm/be)
Jacques Berset
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