«La seule promesse que l’Eglise peut faire à un gouvernement en place est de lui apporter sa collaboration vigilante», peut-on lire dans le communiqué publié le 10 mai 2016 par la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP). Evitant soigneusement de citer nommément le vainqueur de l’élection du 9 mai, le communiqué, signé de Mgr Socrates B. Villegas, président de la CBCP, continue ainsi: «Et cette promesse, nous la faisons aujourd’hui. Nous demanderons aux nôtres de travailler avec le gouvernement pour le bien de tous, et nous continuerons à nous montrer vigilants pour que chacune de nos paroles soit une parole pour enseigner, professer, redresser et corriger, car c’est là notre vocation.»
Selon Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions étrangères de Paris (MEP), si l’élection de Rodrigo Duterte vient bouleverser le paysage politique tel qu’il s’était mis en place depuis la chute du dictateur Ferdinand Marcos, en 1986, elle ouvre une période d’incertitude quant à l’attitude et aux décisions que prendra effectivement le nouveau président. Il était maire de Davao, grande ville du Sud philippin, depuis 22 ans.
Agé de 71 ans, Rodrigo Duterte a su séduire les électeurs philippins par un langage cru et des propositions expéditives pour venir à bout de deux des fléaux de la société philippine: la criminalité et la pauvreté. Ce faisant, il s’est attiré, durant la campagne électorale, la nette condamnation de différents hauts prélats. Mgr Antonio Ledesma, archevêque de Cagayan de Oro, grande ville de Mindanao, a ainsi vivement dénoncé la mort des quelque 1’400 personnes tombées (dont 132 enfants des rues) sous les balles des escadrons de la mort à Davao, escadrons dont Rodrigo Duterte a reconnu qu’ils agissaient sous son contrôle. Des prêtres, des religieuses et des organisations de laïcs catholiques avaient alors mis en garde les fidèles contre le fait de voter pour lui.
Rodrigo Duterte n’a pas caché que son programme politique heurterait frontalement les positions défendues par l’Eglise. Il a ainsi promis de faire appliquer une loi prévoyant, entre autres, la distribution gratuite de moyens contraceptifs. Il s’est aussi déclaré en faveur d’une loi sur le mariage homosexuel, sachant l’opposition de l’Eglise sur le sujet. «Je suis élu par le peuple et non par l’Eglise. Je vais faire appliquer des lois qui n’auront rien à voir avec l’idéologie catholique», a-t-il affirmé lors de la campagne électorale, sans craindre l’influence de l’Eglise dans un pays dont 85 % des 100 millions d’habitants sont catholiques.
Sœur Mary John Mananzan est une religieuse catholique très impliquée dans la défense des droits de l’homme aux Philippines. Selon elle, lors des scrutins électoraux, les catholiques philippins «mettent de côté tous les principes éthiques qu’ils tiennent pour centraux dans leur vie». Ne cachant pas son inquiétude pour son pays, elle estime que «les six prochaines années vont être un défi pour l’Eglise, qui devra se montrer plus prophétique, tout en luttant contre les injustices et les violations des droits de la personne humaine» qui, selon elle, ne manqueront pas de se multiplier sous la nouvelle présidence. (cath.ch-apic/eda/ra/gr)
Grégory Roth
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