«Vous êtes une voix de conscience qui nous pousse à placer les personnes au centre de toutes nos actions. Vous êtes une autorité morale exceptionnelle», qui rappelle que l’Europe a le devoir de construire sur les idéaux de ses fondateurs: c’est avec ces mots que le président du Prix Charlemagne Jürgen Linden a remis la prestigieuse récompense au pape François, dans la Salle royale du Palais apostolique. Pour la première fois, ce prix n’était pas remis à Aix-la-Chapelle.
C’est dans la somptueuse Salle royale, où le pape reçoit d’ordinaire les diplomates lors des vœux en début d’année, qu’a eu lieu la cérémonie du prestigieux prix européen, remis à de très rares exceptions à des non-européens. Dans cette salle figuraient plusieurs chefs d’Etat et de gouvernements européens, parmi lesquels la chancelière allemande Angela Merkel, lauréate du prix en 2008, mais aussi le président italien du Conseil des ministres Matteo Renzi. Des ministres européens, dont la ministre française de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem, ainsi que de nombreux ambassadeurs d’Europe, étaient aussi présents.
Au début de la cérémonie, le maire d’Aix-la-Chapelle (Allemagne) Marcel Philipp, a rappelé que le prix international Charlemagne servait depuis sa création en 1949 de plateforme pour promouvoir l’unification européenne. Il a notamment appelé à rapidement redécouvrir et renforcer les valeurs chrétiennes et dénoncé le consumérisme déplorable, voire destructeur dans le continent.
Aujourd’hui, l’Europe traverse une époque tourmentée, et fait face à un test décisif de son unité, a pour sa part déclaré le président du Parlement européen Martin Schulz, pour qui l’Europe a besoin de personnes qui la tirent de son apathie. C’est justement ce que le pape François a réussi à faire, a-t-il estimé, «en soulignant ce qui nous unifie, et non ce qui nous divise». Aujourd’hui, l’Europe court le risque de gaspiller son héritage, a-t-il regretté, et les réflexes de repli identitaire, la renationalisation et le particularisme national, risquent de «nous éloigner les uns des autres».
La crise des réfugiés, est un défi décisif, a-t-il souligné, alors que jamais depuis la Seconde Guerre mondiale nous avons vu autant de personnes fuir les violences et la terreur à travers le monde. Si la peur est compréhensible, c’est une mauvaise conseillère politique, a-t-il averti, fustigeant les populistes sans scrupule. Alors que le Parlement européen a vivement critiqué le récent accord sur les migrants entre l’UE et la Turquie, son président Martin Schulz a répété qu’on ne pouvait croire «réellement que les personnes fuyant les violences brutales de l’Etat islamique ou les bombes du régime d’Assad seraient dissuadées par des murs et des barbelés».
Alors que l’Europe fait face à une crise de solidarité, Martin Schulz a salué le geste du pape François, sur l’île grecque de Lesbos, en avril dernier, qui avait ramené au Vatican trois familles de réfugiés syriens. Il a «montré à chacun de nous – et en particulier à ces chefs de gouvernement qui refusent d’accepter des réfugiés musulmans» dans un pays chrétien, ce que veut dire être humain, a-t-il jugé. En Slovaquie et en Hongrie, notamment, les chefs de gouvernement avaient refusé d’accueillir des réfugiés musulmans.
«Quand vous avez accueilli douze réfugiés – en proportion de la population du Vatican, c’est plus que n’importe quel Etat-membre – a pour sa part relevé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, vous avez rempli notre cœur de courage». «Vous nous avez rappelé, a-t-il poursuivi, que la vocation de l’Europe est toujours de sécuriser la paix pour notre continent et au-delà. Après tout, les malheurs du monde nous concernent aussi. Un monde plus stable signifie une Europe plus forte».
Le président du Conseil européen le Polonais Donald Tusk, quant à lui, a assuré qu’il adoptait la vision de l’Eglise proposée par le pape François, «un hôpital de campagne, plutôt qu’un bureau de change», et a lancé au pontife: «nous pouvons être fiers de l’Europe», car l’Europe vous ressemble encore. «Si elle cesse de vous ressembler, a-t-il averti, elle sera réduite à un pur mot géographique et un vide politique». Ces discours ont été introduits et conclus par un chœur d’enfants de la cathédrale d’Aix-la-Chapelle, qui ont notamment entonné un cantique du 12e siècle. (cath.ch-apic/imedia/bl/mp)
Maurice Page
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