Grâce à ses «Pères fondateurs», a affirmé le pape François devant un prestigieux parterre, l’Europe s’est relevée après la plus terrible des guerres au siècle dernier. Mais, a-t-il constaté, «cette ›famille de peuples’, admirablement agrandie entretemps, semble dernièrement moins sentir comme siens les murs de la maison commune, érigés parfois en s’éloignant du judicieux projet conçu par les Pères». «La résignation et la fatigue ne font pas partie de l’âme de l’Europe», a assuré le pape, déplorant qu’elle soit en train de se retrancher, de construire des enclos particuliers.
Dans ce discours portant manifestement sa marque, le premier pape non européen de l’histoire moderne a alors interpellé le Vieux continent dans une longue anaphore: «Que t’est-il arrivé, Europe humaniste, paladin des droits de l’homme, de la démocratie et de la liberté? Que t’est-il arrivé, Europe terre de poètes, de philosophes, d’artistes, de musiciens, d’hommes de lettres? Que t’est-il arrivé, Europe mère de peuples et de nations, mère de grands hommes et de grandes femmes qui ont su défendre et donner leur vie pour la dignité de leurs frères?»
Après avoir invité le continent à garder en mémoire la voix de ses ancêtres, le pape a soutenu que «les projets des Pères fondateurs, hérauts de la paix et prophètes de l’avenir, ne sont pas dépassés». «Ils inspirent, aujourd’hui plus que jamais, à construire des ponts et à abattre des murs», a poursuivi le pape alors que le continent est divisé sur l’accueil à réserver aux migrants qui affluent à ses frontières.
Et le pape François, dans un discours au ton plus optimiste que devant les institutions européennes en 2014, d’appeler de ses vœux «une Europe capable de donner naissance à un nouvel humanisme fondé sur trois capacités: la capacité d’intégrer, la capacité de dialoguer et la capacité de générer». Sans jamais évoquer les racines chrétiennes du continent, le pape a présenté «l’identité européenne» comme, depuis toujours, «une identité dynamique et multiculturelle», assurant avec force que, «loin d’apporter grandeur, richesse et beauté, l’exclusion provoque la lâcheté, l’étroitesse et la brutalité». Les Européens doivent être capables, a-t-il dit par ailleurs, «de regarder l’étranger, le migrant, celui qui appartient à une autre culture comme un sujet à écouter, qui soit considéré et apprécié».
La «culture du dialogue» doit être sans cesse encouragée, a souhaité le pape pour qui «la paix sera durable dans la mesure où nous armons nos enfants des armes du dialogue, dans la mesure où nous leur enseignons le bon combat de la rencontre et de la négociation». Au-delà des coalitions militaires ou économiques, le chef de l’Eglise catholique a invité à réaliser des «coalitions (…) culturelles, éducatives, philosophiques, religieuses».
Souhaitant enfin à l’Europe la capacité de générer, le pape a appelé tous les Européens, du plus petit au plus grand, à être acteurs dans la société et non spectateurs ou simples observateurs. Le chef de l’Eglise catholique a alors souligné le «rôle prépondérant» des jeunes qui ne sont pas «l’avenir de nos peuples», mais «le présent». Pour les rendre «protagonistes» du rêve européen, il a encouragé à «créer des postes d’un travail digne et bien rémunéré». Il faut en effet procurer aux jeunes, a-t-il ajouté, des «travaux dignes qui leur permettent de se développer grâce à leurs mains, grâce à leur intelligence et à leur énergie», ainsi que des valeurs.
Mais, a soutenu le pape, pour favoriser le marché du travail il faut «de nouveaux modèles économiques plus inclusifs et équitables». Et le pontife argentin de recommander «le passage d’une économie liquide», qui tend à «favoriser la corruption» en visant principalement le «profit», à une «économie sociale de marché» qui «investit dans les personnes». En conclusion, le pape François a assuré que l’Eglise pouvait et devait «contribuer à la renaissance d’une Europe affaiblie, mais encore dotée d’énergie et de potentialités».
Je rêve d’une Europe…
Dans une conclusion dont l’éloquence rappelait le célèbre discours I have a dream (J’ai fait un rêve) du pasteur américain Martin Luther King, le pape a souhaité que le Vieux continent soit une terre propice aux enfants, aux jeunes, aux personnes malades et âgées, aux familles, aux migrants.
Avec l’esprit et avec le cœur, avec espérance et sans vaine nostalgie, comme un fils qui retrouve dans la mère Europe ses racines de vie et de foi, je rêve d’un nouvel humanisme européen, d’»un chemin constant d’humanisation», requérant «la mémoire, du courage, une utopie saine et humaine». Je rêve d’une Europe jeune, capable d’être encore mère : une mère qui ait de la vie, parce qu’elle respecte la vie et offre l’espérance de vie. Je rêve d’une Europe qui prend soin de l’enfant, qui secourt comme un frère le pauvre et celui qui arrive en recherche d’accueil parce qu’il n’a plus rien et demande un refuge.
Je rêve d’une Europe qui écoute et valorise les personnes malades et âgées, pour qu’elles ne soient pas réduites à des objets de rejet improductifs. Je rêve d’une Europe où être migrant ne soit pas un délit mais plutôt une invitation à un plus grand engagement dans la dignité de l’être humain tout entier. Je rêve d’une Europe où les jeunes respirent l’air pur de l’honnêteté, aiment la beauté de la culture et d’une vie simple, non polluée par les besoins infinis du consumérisme ; où se marier et avoir des enfants sont une responsabilité et une grande joie, non un problème du fait du manque d’un travail suffisamment stable.
Je rêve d’une Europe des familles, avec des politiques vraiment effectives, centrées sur les visages plus que sur les chiffres, sur les naissances d’enfants plus que sur l’augmentation des biens. Je rêve d’une Europe qui promeut et défend les droits de chacun, sans oublier les devoirs envers tous. Je rêve d’une Europe dont on ne puisse pas dire que son engagement pour les droits humains a été sa dernière utopie. (cath.ch-apic/imedia/ami/ak/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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