Gerhard Pfister (PDC): «En politique, l'Eglise est un parti comme les autres»

Le nouveau président du Parti démocrate chrétien (PDC), Gehrard Pfister, assume son appartenance à l’Eglise catholique, sa «patrie spirituelle». Il ne pose pas pour autant un regard angélique sur le rapport entre l’Eglise et l’Etat. Interview.

Quelle signification donnez-vous à l’Eglise?

Un sens politique et un sens personnel. D’un point de vue politique, l’Eglise est une institution reconnue publiquement. A ce titre, elle doit nourrir le débat public de ses idées et ses attentes, non pas de façon prosélyte, mais selon les normes établies du débat politique. Personne ne possède la vérité à lui seul et personne ne peut se soustraire au débat en se basant sur une «autre vérité». Autrement dit, lorsque l’Eglise fait de la politique, elle est un parti comme les autres.

Quant au sens personnel: l’Eglise est ma patrie spirituelle.

Selon vous, quelle orientation l’Eglise doit-elle donner à son action?

Elle doit le savoir elle-même. Je n’ai pas de conseil à donner à l’Eglise. Je me permettrais simplement une petite remarque, basée sur mon expérience personnelle. Je me demande parfois si elle ne se préoccupe pas trop d’elle-même, en traitant de sujets internes qui ne signifient pas grand chose ad extra. Ce serait mieux si l’Eglise dépensait plus d’énergie vers l’extérieur. Et ce serait probablement utile de professionnaliser son organisation.

Le PDC a-t-il besoin de rectification de la part de l’Eglise?

Le PDC n’a pas à recevoir de rectification de la part l’Eglise. Il doit par contre intensifier les contacts avec les représentants de l’Eglise en vue d’établir un bon dialogue. C’est mon avis depuis une dizaine d’années au moins. Ainsi, nous pourrions renforcer la compréhension de nos besoins et de nos attentes respectifs et mieux représenter nos similitudes.

«Je n’aime pas que l’Eglise fonde ses revendications sur des raisons théologiques».

Le message chrétien est aussi un message politique. Comment situez-vous la place de l’Eglise dans le débat politique?

La place de l’Eglise, dans une société civile libre, est la même que toute autre institution. Elle y agit comme un parti et doit être traitée en tant que tel. Je n’aime pas que l’Eglise, ou l’un de ses représentants, fonde ses revendications sur des raisons théologiques, comme si elle prétendait à une plus haute conception de la vérité. De même, je n’apprécie guère qu’on assimile le christianisme au socialisme. Les besoins de l’économie trouvent trop peu de place dans l’Eglise. Pourtant c’est l’économie qui donne du travail aux gens, et donc de la dignité.

Les relations entre l’Eglise et la politique ne sont pas toujours exemptes de conflit. Où situez vous la frontière entre activités politiques et ecclésiales?

Elle est plutôt floue. Il est de la responsabilité de l’Eglise de savoir dans quelle mesure elle s’engage dans le débat politique. Mais ce n’est pas là le cœur de son engagement, raison pour laquelle les politiciens ne prennent pas la parole durant la messe.

Quels sont les thèmes que vous souhaiteriez aborder avec le président de la Conférence des évêques suisses?

Ils sont nombreux, mais mon thème de prédilection serait la séparation de l’Eglise et de l’Etat (…). Je trouverais très intéressant de connaître les avis, peut-être différents, des évêques sur ce sujet.

L’Eglise catholique a-t-elle ou aurait-elle besoin d’un lobby à Berne?

A mon connaissance, elle n’en a pas – du moins pas de puissant. Reste à savoir si elle en a besoin. Personnellement, je pense que les Eglises nationales devraient s’impliquer davantage. Nous aurons toujours plus de thèmes politiques où la relation entre la religion et l’Etat jouera un rôle important. L’engagement des Eglises – pas seulement celui de l’Eglise catholique – serait une contribution précieuse. (cath.ch-apic/ms/pp)

(Interview réalisée par Martin Spilker, rédacteur en chef de kath.ch, le 19.04.2016. Version originale)

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

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