Pédophilie: une experte salue les décisions du diocèse de Lyon    

Après la présentation d’une série de mesures de lutte contre la pédophilie par le diocèse de Lyon, récemment mis en cause dans des affaires de gestion d’abus, l’experte belge Karlijn Demasure commente pour l’agence I.MEDIA ces initiatives et en souligne l’exemplarité. Saluant aussi le récent travail de la Conférence des évêques de France (CEF), la directrice du Centre pour la protection des mineurs (*) de l’Université pontificale Grégorienne, titulaire d’un doctorat sur les abus sexuels, rappelle l’importance de la reconnaissance des fautes commises par les diocèses et l’obligation de dénoncer les prêtres fautifs à la justice.

Les évêques français viennent de publier de nouvelles mesures pour «lutter contre la pédophilie». Pourquoi maintenant, selon vous?

En Europe occidentale, notamment en Allemagne, en Hollande, en Belgique, ce processus a commencé en 2010. La France était donc en retard et il était étonnant qu’elle ne fasse pas plus en ce domaine. L’épiscopat français avait publié un bon document en 2003 mais cela n’a pas vraiment donné de conséquences pratiques et les victimes se sentaient laissées de côté. Avec les problèmes du diocèse de Lyon, l’Eglise en France a commencé à sentir qu’il fallait faire quelque chose.

Est-ce que les nouvelles mesures sont à la hauteur de l’enjeu?

Outre les directives au niveau de la Conférence épiscopale, il faut donner en exemple ce qui vient d’être fait par le diocèse de Lyon. Selon moi, chaque diocèse doit faire ce que Lyon planifie de faire. Il faut une commission d’expertise interdisciplinaire, une cellule d’écoute, un numéro de contact téléphonique dans chaque diocèse. Globalement les mesures lyonnaises sont bonnes, à condition qu’elles soient mises en pratique et que les autres diocèses suivent.

Quelles mesures peuvent être particulièrement applaudies?

La décision des évêques français de traiter des faits même anciens, au-delà de la prescription des 20 ans après la majorité de la personne victime, décrétée par le droit canon. Ainsi, les victimes agressées à une époque de silence sur ces sujets pourront parler. Pour nous, même s’il n’y pas de loi civile à cet effet, les évêques ont effectivement l’obligation morale de s’occuper des victimes, y compris d’une époque passée. Il est aussi important de dénoncer d’office à la justice un prêtre qui abuse. Tant qu’on ne travaillera pas main dans la main avec la justice civile, on ne pourra pas résoudre les problèmes. Les évêques français insistent aussi sur le travail de prévention. Il faut savoir qu’une des raisons des abus sexuels est le manque de formation en psychologie et en sexologie des futurs prêtres. On peut souligner aussi la démarche du diocèse de Lyon de reconnaître des «erreurs». La guérison ne peut commencer qu’avec la vérité. S’il y a du déni, il n’y a pas de réconciliation. La première chose à faire est de reconnaître les fautes qui ont été faites et éventuellement de prendre les mesures liées à un tel aveu. Clairement, il faut la démission de l’évêque dans le cas où il a commis des fautes graves, mais il faut aussi faire attention à ne pas créer de bouc émissaire.

Y a-t-il des points à approfondir dans ces nouvelles mesures françaises?

Il faudrait clarifier d’abord la question du dédommagement financier. Je n’y étais pas très favorable, surtout pas à des montants exorbitants comme aux Etats-Unis, mais d’expérience, pour les victimes ce geste est une reconnaissance de ce qui s’est passé. Il faut aussi davantage préciser les termes, car si on lutte «contre la pédophilie» (titre des mesures de la Conférence des évêques de France, ndlr), on laisse la plupart des prêtres de côté. Il faut lutter «contre les abus sexuels» dans l’Eglise. Car en plus de la pédophilie, un terme technique qui désigne une pathologie, il existe aussi des abus de type éphébophilie, des abus dus au narcissisme, etc.

(*) Le Centre pour la protection des mineurs de l’Université pontificale grégorienne, créé en 2012 et établi à Rome depuis février 2015, propose notamment un programme interactif d’enseignements en ligne, un cursus à Rome, et mène des travaux de recherches. Outre ses partenaires dans le monde entier, la structure travaille à plusieurs niveaux avec la Commission pontificale pour la protection des mineurs.

(cath.ch-apic/imedia/ak/rz)

Raphaël Zbinden

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