Vatileaks: Gianluigi Nuzzi aurait obtenu de nombreux documents confidentiels grâce à Mgr Balda   

Le journaliste italien Gianluigi Nuzzi, auteur d’un livre polémique sur la gestion des finances vaticanes, a longuement été interrogé lors de la neuvième audience du procès «Vatileaks 2» sur le vol et la diffusion de documents confidentiels, le 13 avril 2016. Le dernier des cinq inculpés à être interrogé au Vatican a confirmé avoir eu accès à de nombreux documents confidentiels grâce à la complicité de Mgr Lucio Angel Vallejo Balda, secrétaire de la Préfecture des affaires économiques, qui s’inquiétait des tentatives de bloquer la réforme voulue par le pape François.

Pendant trois heures d’interrogatoire dans la petite salle du Tribunal du Vatican, Gianluigi Nuzzi, auteur du livre à succès Via Crucis, a défendu son travail de journaliste d’investigation, assurant ne pas avoir révélé de «secrets d’Etat» mais des informations «d’intérêt public notable». Il a également assuré avoir été très impressionné par l’effraction au chalumeau d’un coffre-fort de la Préfecture pour les affaires économiques, que lui avait relatée Mgr Vallejo Balda et qu’il raconte dans son livre.

Pressé de questions par le procureur, Gianluigi Nuzzi a assuré que la spécialiste en relations publiques Francesca Chaouqui, elle aussi inculpée, lui avait présenté au printemps 2015 l’autre corbeau présumé, le prélat espagnol Lucio Angel Vallejo Balda. Membres de la Commission pontificale d’étude sur l’organisation des structures économico-administratives du Saint-Siège (COSEA), ils lui avaient alors fait part de leur préoccupation face à la «situation alarmante» relevée par les travaux de la commission, achevés depuis peu.

La réforme boycottée?

La jeune Italienne et le prélat espagnol auraient alors parlé d’un véritable «boycott de l’œuvre de réforme du pape François», assurant s’être fait nombre d’ennemis au sein du Vatican en travaillant sur un projet de réforme économique. Gianluigi Nuzzi a également affirmé avoir aperçu une photo, transmise par Mgr Vallejo Balda, des cartons d’archives de la COSEA portant la mention «documents à détruire». D’après Francesca Chaouqui, le préfet du tout nouveau Secrétariat pour l’économie, le cardinal George Pell, aurait alors demandé la saisie immédiate de ces archives.

Gianluizi Nuzzi a reconnu avoir alors discrètement rencontré Mgr Vallejo Balda à plusieurs reprises afin de recueillir des informations, obtenant en particulier les codes d’accès de sa boîte mail afin de se procurer plusieurs documents confidentiels. Le journaliste italien a confirmé ses nombreux échanges avec le prélat à travers l’application WhatsApp pour obtenir d’autres documents ou clarifier certaines questions. Il a aussi assuré que le prélat espagnol lui avait envoyé nombre de documents de sa propre initiative et qu’il lui avait transmis à son tour des documents dont il disposait, en particulier sur une tentative de fraude à l’Institut pour les œuvres de religion (IOR).

Passe d’armes entre Francesca Chaouqui et Mgr Balda

Interrogé longuement sur ses échanges avec le prélat espagnol, Gianluigi Nuzzi a assuré ne jamais l’avoir menacé pour obtenir des informations. Il a aussi confié avoir prévenu le prélat espagnol que Francesca Chaouqui était devenue «douteuse» et la source de «trop de problèmes». Lors de son audition, le 6 avril dernier, l’Italienne avait fait le récit de sa relation d’amitié avec le prélat, transformée en véritable haine.

Les journalistes admis au Tribunal du Vatican, au cœur du petit Etat, ont d’ailleurs assisté lors d’une suspension d’audience à une brève passe d’armes entre Francesca Chaouqui et Mgr Vallejo Balda, la première traitant le second de «fou». Au cours de l’interrogatoire, le visage de Mgr Vallejo Balda s’est soudainement illuminé lorsque Gianluigi Nuzzi avait argué que la jeune femme puisse être «bipolaire».

Une vengeance?

Lors d’une précédente audience, Francesca Chaouqui avait assuré avoir travaillé avec Mgr Vallejo Balda sur un dossier très délicat à la demande du pape après que soit survenu un «événement d’une gravité absolue» au printemps 2015, au terme des travaux de la COSEA et à la naissance du Secrétariat pour l’économie. Il apparaît par ailleurs que Mgr Vallejo Balda et Francesca Chaouqui auraient alors été écartés, notamment à la demande du cardinal Pell, et auraient été frustrés de n’être nommés dans aucune des nouvelles structures vaticanes: le Secrétariat pour l’économie et le Secrétariat pour la communication. En conséquence, ils auraient alors permis la fuite de documents confidentiels.

Les cinq inculpés du procès «Vatileaks 2» ont désormais été entendus. La procédure doit reprendre le 26 avril prochain avec l’audition des témoins de la défense et de ceux appelés par l’accusation. (cath.ch-apic/imedia/ami/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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