L'ancien ministre catholique Paul Bhatti rêve d'un Pakistan guéri de l'islamisme

L’attentat de Lahore, capitale de la province pakistanaise du Pendjab, qui a provoqué la mort de 72 personnes le dimanche de Pâques dans un parc municipal de la deuxième ville du pays, a suscité une grande stupeur à travers le monde. L’attaque, revendiquée par un groupe de talibans, visait en premier lieu les chrétiens, mais a aussi provoqué la mort de nombreux musulmans.

Parmi les multiples victimes de la terreur islamiste qui a frappé le Pakistan à de nombreuses reprises ces dernières années, figure l’ancien ministre des Minorités religieuses dans le gouvernement fédéral, Shahbaz Bhatti, assassiné le 2 mars 2011. Catholique convaincu, Shahbaz Bhatti est tombé sous les balles de fanatiques hostiles au combat qu’il menait depuis des années en faveur des minorités religieuses. Il luttait contre les discriminations et les lois anti-blasphème dont elles sont régulièrement victimes.

Ancien ministre fédéral pour l’Harmonie nationale et les minorités

Frère et héritier politique de l’ancien ministre, Paul Bhatti a participé à un colloque de l’université grégorienne à Rome sur le thème: «Asie, terre de martyrs». Radio Vatican a rencontré celui qui fut ministre fédéral pour l’Harmonie nationale et les minorités et qui est aujourd’hui président de la «All Pakistan Minorities Alliance» (APMA) et l’a interviewé sur la situation délicate des chrétiens et des autres minorités.

«Leur situation est directement proportionnelle à la situation générale du Pakistan. Si au Pakistan il y a la paix, les chrétiens eux aussi vont bien. Si au Pakistan il n’y a pas la paix, les chrétiens, qui sont les plus faibles et les plus marginalisés dans la société, souffrent plus».

Le choc de l’attentat de Pâques à Lahore

Actuellement, bien que l’attentat de Lahore ait été «un grand choc pour nous tous, qui, ce jour-là, célébrions la Sainte Pâques, dans tout le Pakistan», Paul Bhatti se veut optimiste: «Je vois une espérance parce qu’il y a des actes concrets de la part des militaires, de la part du gouvernement, de la part des politiques pour éliminer ce terrorisme».

L’ancien ministre en veut pour preuve l’élimination d’écoles religieuses fondamentalistes et de nombreux lieux où l’on fabriquait les armes. De très nombreux centres terroristes extrémistes ont été fermés et nombre de personnes commencent à parler de changer la Constitution en faveur des minorités. «Ceci, alors, est un pas positif, c’est un changement!»

«Nous avions cru que les actes terroristes étaient finis»

Avant l’attentat sanglant de Lahore, dans un parc très fréquenté par les chrétiens, «nous avions cru que les actes terroristes étaient finis, pas seulement contre les chrétiens, mais contre toute personne, précieuse pour nous. Mais d’autre part, pour être honnête, cet attentat nous l’attendions, parce qu’un mois avant a été exécuté l’assassin de Salman Taseer, le gouverneur du Pendjab qui avait défendu la chrétienne Asia Bibi. C’était un ami de mon frère. Nous sommes contre la peine de mort, mais nous avons vu que la justice existe au Pakistan».

La Cour suprême a décidé de la peine de mort comme sentence, et le gouvernement a maintenu sa promesse. «La condamnation a été exécutée malgré toutes les menaces, toutes les pressions des extrémistes sur le gouvernement et sur la population».

Paul Bhatti note cependant une certaine une certaine désillusion face à l’Etat pakistanais. «De nombreux musulmans se sont énervés, parce que ce sont eux, principalement, les victimes: sur 72 morts, 50 sont des musulmans, et il y a eu plus de 300 blessés». Beaucoup ont protesté, et de nombreux journalistes musulmans ont déclaré à la télévision qu’à partir de maintenant, ils ne voulaient plus entendre le mot minorité, «parce qu’ils sont comme nous, et (…) nous serons avec eux».

Cela a été un beau témoignage, insiste celui qui exerçait son métier de chirurgien dans la région italienne de Trévise, en Vénétie, au moment de l’assassinat de son frère cadet. Paul Bhatti poursuit aujourd’hui son action en faveur des minorités.

La voix des sans voix

«Mon frère avait fait diverses choses, des réformes, avec ce ministère pour les minorités, témoigne-t-il. Il était une voix dans le gouvernement, une voix dans le parlement, un point de référence pour toutes les minorités, pour les hindous et leurs si nombreux problèmes. Quand ils venaient avec leurs leaders religieux, nous savions ce qu’ils vivaient et nous pouvions exposer leurs problèmes au gouvernement, au parlement, et on pouvait trouver des solutions. Si elles n’ont pas de point de référence, les minorités souffrent».

Paul Bhatti est en train de dialoguer avec le Premier ministre pakistanais sur ces sujets, en exigeant différents changements, notamment celui de la Constitution, qui interdit à un membre d’une minorité religieuse de devenir Premier ministre. «Nous voulons que toutes ces choses soient éliminées. Il y a des problèmes aussi de reconnaissance du mariage entre les personnes appartenant aux minorités. Ensuite, il y a aussi des problèmes durant les élections, parce que ces minorités ne participent pas à un système électoral équitable. Ils ne sont jamais élus, en effet, puisque la majorité de la population ne vote pas pour eux. Le résultat est donc qu’ils n’arrivent jamais au parlement. C’est un système de sélection qui ne garantit pas qu’il y ait des représentants des minorités. Un ministre qui représente les minorités est donc très important pour discuter de ces choses».


Des minorités discriminées au «pays des purs»

Les minorités religieuses au Pakistan – dont le nom signifie le «pays des purs» – sont dans la mire des islamistes radicaux. Dans un pays à 95% musulman, les minorités chrétiennes (2% de la population), les ahmadis, sikhs et hindous sont qualifiés par les extrémistes de menace contre la nation. Ces derniers veulent un Pakistan «purement musulman». Les chrétiens sont particulièrement visés, les fondamentalistes les assimilant au monde occidental, a confié à cath.ch l’activiste pakistanais Paul Bhatti. (cath.ch-apic/radvat/be)

 

 

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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