A la Fondation Digger à Tavannes (BE), groupe spécialisé dans le déminage, les jeunes doivent franchir un champ de mines, en portant des sacs de riz. L’exercice n’a rien d’une attraction foraine et encore moins d’un jeu vidéo. C’est un véritable travail d’équipe. Certains traversent le champ, et les autres les guident, afin d’éviter les engins explosifs.
«Dans les pays où des sols sont minés, dès que quelqu’un a tracé un chemin sûr, on le suit. On met ses pas dans les siens, sans le moindre écart», explique Jean-Louis Crétin, un des agents pastoraux organisateurs de cette Montée vers Pâques. «En tant que chrétiens, nous croyons que le Christ, passant par la mort, a tracé le chemin pour nous. Il est notre chemin». Cet exercice permet aussi de découvrir les dangers de mort qui guettent le quotidien de jeunes de leur âge dans certains pays du monde.
L’épreuve n’est pas terminée, après le champ miné, certains enfilent une combinaison de démineur et tentent d’effectuer les gestes de terrain pour détecter les explosifs et les désamorcer sans trembler. Sous cette tenue lourde et désagréable, ils peuvent imaginer la difficulté de celles et ceux qui la portent toute la journée, parfois dans des pays caniculaires. Cette visite d’un ‘champ de mines’ fait partie du programme de Vendredi Saint, pour ces participants à une des trois Montées vers Pâques organisées dans le Jura.
«Perds pas le Nord» est la thématique servant de boussole aux jeunes Jurassiens de 12 à 18 ans qui vivent au rythme des quatre célébrations du Triduum pascal.
Faisant mémoire de la mort du Christ, le Vendredi Saint est un jour où les participants expérimentent le fait d’être déboussolés. Privés de leurs montres et smartphones, les ados ont commencé la journée en déjeunant dans le noir. Puis ils ont été amenés à la Fondation Digger, qui fabrique des machines de déminage pour divers pays comme la Bosnie et le Mozambique.
Cette Montée vers Pâques est un itinéraire. Les jeunes ont vécu la messe du Jeudi Saint à Saignelégier (JU), c’est à Moutier (BE) qu’ils célébreront la Passion, en vue de laquelle ils fabriquent les pierres d’un tombeau.
Ils expérimentent également le thème de la mort par la privation des sens, à travers notamment le témoignage d’une jeune femme dont les deux parents sont sourds muets.
«Sans le Sud, impossible de connaître le Nord.
Et sans le Sauveur, notre frère, impossible de connaître Notre Père».
«Cette thématique est à l’image de la situation des disciples d’Emmaüs, qui se retrouvent sans repères et cherchent leur chemin, car le Sauveur est mort», évoque Michel Monnerat, un autre animateur de cette Montée. «Et même quand ils le rencontrent, leurs yeux les empêchent de le reconnaître».
Invité pour les prédications des quatre célébrations, l’assistant pastoral Hervé Farine utilise les points cardinaux de la boussole pour expliquer le mystère pascal. Le «N» de Nord symbolise «Notre Père». Le «S» de Sud représente le «Sauveur» sur terre. Lors du Jeudi Saint, le «S» est également celui de «Serviteur» qui lave les pieds de ses disciples. Quant au «E» de Est, il donne sa lettre à l’Esprit Saint et le «O» de Ouest fait écho au Oui de l’Eglise. «Sans le Sud, impossible de connaître le Nord. Et sans le Sauveur, notre frère, impossible de connaître Notre Père», déclare Hervé Farine.
Au fil des jours, les jeunes participants découvriront aussi des activités plus agréables. Marche aux flambeaux le vendredi soir dans un tunnel en construction de la Transjurane, démarche de pardon en escalade durant la matinée du samedi et soirée festive pour arriver au dimanche de la Résurrection. Les émotions accumulées durant ces temps forts seront alors remplies de la joie de Pâques.
Etablie en 1998 à Tavannes, dans le jura bernois, la Fondation Digger est une organisation à but non lucratif et reconnue d’utilité publique en Suisse. Avec une trentaine d’employés, elle développe, réalise et commercialise des machines de déminage, pour assister les démineurs, en augmentant l’efficacité de leur travail, en le rendant moins dangereux et moins cher. Digger a déjà fourni plus d’une dizaine de machines et ses zones d’activités étendent entre le Mozambique, le Tchad, le Nord Soudan, le Bénin, le Sénégal pour l’Afrique, et la Bosnie, la Croatie, le Kosovo et la Macédoine pour l’Europe. Tous les champs affectés du Mozambique ont été déminés en 2015, la Fondation Digger souhaite maintenant fournir des machines pour l’Algérie, dans les prochains temps. Un documentaire réalisé par Orane Burri, montre le travail de la fondation sur le terrain et dans les coulisses des négociations. (cath.ch-apic/gr)
Grégory Roth
Portail catholique suisse
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