Le Jamaat-e-Islami, le principal parti islamiste du pays, a réussi à fédérer l’ensemble de ces organisations islamiques dans cette démarche commune, un fait exceptionnel, étant donné les divisions qui traversent ces milieux radicaux. Selon Fazal-ur-Rehman, leader du Jamiat Ulema-e-Islam, le cinquième plus important parti politique du pays, »le gouvernement du Pendjab agit contre la Constitution du pays et contre la charia sous la pression du colonialisme occidental». La loi en question »obéit à un ordre du jour dicté de l’étranger qui vise à détruire la famille au Pakistan», a-t-il ajouté, stigmatisant une législation »présentée sous un beau titre conçu pour tromper l’opinion».
Qaiser Sharif, un haut responsable du Jamaat-e-Islami, n’a pas hésité à se montrer menaçant au cas où les autorités du Pendjab n’obéissaient pas à l’injonction de retrait du texte. »Pour sûr, des émeutes se produiront et les rues seront investies», a affirmé ce dirigeant politique, qui a agité le spectre des émeutes de 1977, qui avaient vu le renversement du gouvernement de Zulfikar Ali Bhutto par le général Zia ul-Haq. Il a aussi rappelé que le Conseil de l’idéologie islamique, l’instance officielle chargée de veiller au respect du caractère islamique des lois votées dans le pays, avait, lui aussi, estimé que la loi était non islamique.
A l’opposé, les organisations de défense des droits de l’homme, les organisations de femmes ainsi que les associations chrétiennes ont défendu la loi votée au Pendjab. Le P. Abid Habib, de la Commission ›Justice et Paix’, de l’Union des supérieurs majeurs du Pakistan, estime l’opposition à la loi regrettable. »Là où ils veulent maintenir les femmes dans un statut d’infériorité, nous nous sommes toujours battus pour la défense de leurs droits», a-t-il indiqué à l’agence Ucanews.
La Punjab Protection of Women against Violence Act a été portée par le PML-N, le parti du Premier ministre Nawaz Sharif, majoritaire à l’Assemblée législative du Pendjab, la province la plus peuplée du pays. Elle s’inscrit à la suite de plusieurs autres textes votés ces dernières années, qui visaient également à protéger les femmes dans une société fortement patriarcale mais qui n’ont jamais produit beaucoup d’effets parce qu’appliqués par une administration dominée par les hommes et une police qui considère le plus souvent que les violences contre les femmes sont »une affaire interne aux familles».
La loi votée le 24 février vise à mettre en place tout un appareil administratif. Dans chaque district des femmes recevront et traiteront les plaintes déposées par les femmes victimes de violence. Des «Comités de protection des femmes» seront habilités à recevoir les plaintes pour violences domestiques, sexuelles ou psychologiques ainsi que les actions de harcèlement, de cybercriminalité ou bien encore d’abus en matière économique et financière. La loi prévoit également la mise en place d’un numéro d’appel national gratuit. La loi met l’accent sur la réconciliation entre les parties prenantes. Elle met aussi en place des peines qui vont jusqu’à deux ans de prison, ainsi que des mesures de surveillance par bracelet électronique ou d’éloignement du domicile conjugal des maris violents.
Selon un rapport de 2014 de la fondation pakistanaise «Aurat Foundation», six femmes sont assassinées chaque jour au Pakistan, six sont kidnappées, quatre sont violées et trois se suicident. Ces chiffres ne comptabilisent pas les violences, notamment les attaques à l’acide, liées à des affaires de dot, ni les enlèvements suivis d’un mariage forcé, une forme de violence dont sont notamment victimes les filles et les jeunes femmes des minorités religieuses.
Naeem Mirza, de la Fondation Aurat, estime que les dispositions prévues par le texte mettent les Pakistanaises en capacité d’agir pour défendre leur dignité. »Une femme pourra appeler le numéro vert pour demander de l’aide. Des fonctionnaires chargées de la protection des femmes pourront pénétrer sous n’importe quel toit pour lui porter assistance, et son mari sera dans l’impossibilité légale de la jeter à la rue. S’il continue à se montrer violent, il pourra être chassé de chez lui et forcé de porter un bracelet électronique équipé d’un GPS qui garantira qu’il ne s’approche en aucune façon de sa victime tant qu’un accord n’a pas été conclu. Si ces mesures sont vraiment appliquées, elles changeront fondamentalement l’équation traditionnelle des rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes. C’est bien cela que le lobby des «religieux» trouve difficile à accepter». (cath.ch-apic/eda/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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