Abbé Dominique Rimaz: «Le carême est un temps de joie»

Pour l’abbé Dominique Fabien Rimaz, le carême est d’abord un temps de joie. La joie de retourner vers Dieu. Prêtre en paroisse à Fribourg, il prend son repas au milieu des paroissiens venus partager la soupe de carême du vendredi à la salle St-Paul, dans le quartier populaire du Schönberg.

Sollicité tour à tour par une fillette du catéchisme, une personne âgée du home voisin, la présidente de paroisse, la femme de ménage de la cure ou encore la religieuse responsable de la liturgie, l’abbé Dominique répond avec bonne humeur entre deux cuillerées de soupe fumante. Il a laissé de côté son smartphone et les réseaux sociaux sur lesquels il est très actif, au profit de la rencontre immédiate. Après une grosse pomme et un café, il évoque son expérience du carême.

Pour vous que représente le carême ?

Dominique Rimaz : Pour moi, le carême est un temps de joie et non pas de tristesse et de pénitence. C’est un temps de conversion vers le bien, le beau, le vrai. Le carême est un jeûne du péché. Il ne s’agit pas de se priver pour se priver, mais pour atteindre un bien supérieur. J’aime bien la métaphore de l’entraînement sportif. Il faut s’entraîner à vivre le ‘régime pascal’. Lara Gut ne mange pas une fondue avant de s’élancer sur une piste de ski, mais elle se prépare physiquement et mentalement. Durant le carême Dieu veut nous donner quelque chose de meilleur. L’objectif à atteindre est la ‘coupe’ de Pâques qui célèbre la victoire de la vie sur la mort. Je remarque d’ailleurs que carême dure 40 jours et le temps pascal 50 comme pour symboliser cette victoire.

En cette Année de la miséricorde, le carême revêt-il une dimension spéciale ?

On voit mieux maintenant pourquoi ce pape a été élu. L’Eglise avait mal à son image. Depuis trois ans le pape François est partout. Il s’exprime beaucoup. Je crois que la clé de son pontificat est la miséricorde. Le nom de Dieu est miséricorde. Nous ne devons jamais avoir peur de lui confier toutes les ‘conneries’ que nous avons faites. Exactement comme le fils prodigue de la parabole, nous avons besoin de nous relever et de retourner vers le Père pour retrouver son intimité. Ce Père qui nous dit. «Rentre à la maison. Tu comptes pour moi.»

«Rentre à la maison. Tu comptes pour moi.»

Comme la plupart des catholiques, je n’avais jamais entendu parler de Jorge Mario Bergoglio avant son élection et je ne savais rien de lui. Peu à peu, je découvre cette fresque de la miséricorde qu’il est en train de tracer. C’est ce dont l’Eglise avait besoin.

Vous êtes prêtre. Durant le carême, vous entendez beaucoup de gens pour le sacrement de la réconciliation.

Par le sacrement de la confession, j’ai l’impression de libérer un oiseau pris dans les mailles du filet du péché. Il peut alors reprendre son envol et c’est beau. A Fribourg, comme dans nombre d’autres lieux, nous avons vécu récemment les ’24h pour le Seigneur’ . 25 prêtres étaient à disposition à l’église des cordeliers et des centaines de personnes se sont approchées de la confession. Sans rien trahir, j’ai été très ému devant cet homme de 93 ans tenant à peine sur ses jambes et qui a tenu à se confesser à genoux devant moi, alors que je lui proposais de s’asseoir. Je l’ai vu ensuite se remettre debout. Ce fut pour moi une joie immense. Je suis bouleversé de voir comment Dieu embrasse une âme. Pour moi, confesser n’est pas du tout un devoir pénible, car on est tellement heureux après.

En plaisantant un peu, la confession c’est l’inverse du ‘Mac Do’. Lorsqu’on va au fast-food, on salive devant les hamburgers dégoulinant de sauce, mais en sortant on se dit souvent ‘c’était un peu lourd’. Lorsqu’on va se confesser, c’est souvent sans grande envie , mais quant on ressort on se dit: ‘vraiment c’est de l’excellente cuisine rapide qui nourrit notre âme’.

La miséricorde est plus grande que la justice. Mais il ne faut pas les opposer. Pas plus qu’il ne faut séparer la miséricorde de la vérité. Tout est uni en Dieu. C’est nous-mêmes qui sommes désunis. Le carême est donc aussi un temps pour refaire cette unité.

Nous sommes ici aujourd’hui dans une soupe de carême paroissiale.

A la paroisse St-Paul, à Fribourg, les soupes de carême marchent très bien. Nous avons beaucoup de bénévoles qui s’en occupent. C’est un moment chaleureux, autour d’un repas simple qui nous permet de partager avec ceux qui sont dans le besoin par l’intermédiaire de l’Action de Carême. C’est un moyen concret de vivre la fraternité. Je reviens à la parabole de l’enfant prodigue. Elle illustre bien comment les deux fils doivent se réconcilier. Le cadet qui est parti et qui revient à la maison et l’aîné qui sort de la maison et qui ne veut plus y rentrer. En fin de compte, les deux fils ont quitté leur père qui pourtant reste là à les attendre et les accueillir tous les deux, sans faire de différence. Qu’elle sera notre réponse ?

En paroisse, outre les soupes de carême, nous voulons mettre cette année l’accent sur les œuvres de miséricorde telles que les visites aux malades, aux personnes âgées, aux prisonniers avec lesquels j’irai célébrer une messe dans quelques temps.

La campagne de l’Action de Carême met également l’accent sur la justice avec la dimension de l’écologie. Le pape François le rappelle aussi dans son encyclique ‘Laudato si’. Il souligne qu’on ne peut pas mettre de côté l’homme dans une écologie intégrale.

Le carême est alors aussi le temps de l’espérance ?

La situation du monde n’est pas réjouissante. Nous vivons comme les autres le poids de la guerre en Syrie, de la persécution des chrétiens, de la menace de Daech. Mais dans les ténèbres, il y a la petite lumière de la foi qui nous conduit vers Pâques. Cela n’abolit ni le mal, ni la souffrance, mais nous savons qu’ils ont été vaincus par la résurrection du Christ. (cath.ch-apic/mp)

Maurice Page

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