Jean-Marie Rotzer, le carême dans l’action

Le Loclois Jean-Marie Rotzer est engagé dans de nombreuses actions humanitaires. Pour lui, le carême se conjugue avec le partage, notamment pour l’Afrique. Retour sur un parcours marqué par la réflexion et un engagement fort.

«Madame, je vous prends volontiers une soupe s’il-vous-plaît… mais en entrée. Car cet après-midi, je chargerai un camion pour envoyer du matériel en Afrique, et je ne pourrai pas le faire si j’ai le ventre à moitié plein». C’est clair: Jean-Marie Rotzer est un homme qui bouge. Il ne vit pas le carême comme un temps de privation.

Habitant des montagnes neuchâteloises, Jean-Marie Rotzer est de passage dans un restaurant d’Avenches (VD). Il a rendez-vous avec le chauffeur de «son camion». Utilisé à l’origine par les pompiers genevois, ce fourgon a été récupéré, vidé et transformé pour acheminer du matériel en République démocratique du Congo (RDC).

Dans la liste de chargement se trouve par exemple une dégauchisseuse, destinée à équiper un atelier de menuiserie dirigé par des religieuses congolaises, les Filles de Marie Reine des Apôtres. Cette congrégation, issue de la règle des Sœurs blanches, est très impliquée dans la construction de chaises et de bancs pour les écoles de la région de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, à l’est de la RDC.

«Cet opération est le fruit de l’Action de l’Avent, une récolte de fonds organisée par le Groupe Tiers-Monde, dans les paroisses des Montagnes neuchâteloises, lors du premier dimanche de l’Avent», explique-t-il.

Sans l’Eglise, pas d’écoles au Congo

«Durant le carême, je ne me prive pas de quelque chose en particulier. Je suis porté plutôt sur l’action, alors ces quarante jours peuvent être un temps de méditation, pour réfléchir au sens donné à l’action», précise cet ingénieur du bois. «A cette période, mon temps de bénévolat explose, car les actions de solidarité sont plus concentrées que dans le reste de l’année».

Membre d’une quinzaine d’associations d’entraide, Jean-Marie Rotzer entretient depuis plus de dix ans des relations avec les Congolais, et en particulier avec ces Filles de Marie de la région de Bukavu. «L’Eglise catholique est une des rares institutions fiable de la RDC. Il faut être clair: sans l’Eglise, il n’y aurait pas d’écoles au Congo», révèle ce père de cinq enfants adultes.

Bien organisé, il jongle avec différentes actions pour subvenir aux besoins de manière durable et variée. L’île d’Idjwi, située entre la RDC et le Rwanda, en est un bel exemple. Sur plusieurs années, elle a bénéficié de la mise en place d’une formation de maçon pour les enfants, du développement de la plantation d’arbres fruitiers, de la création d’un hôpital et de l’installation d’une bibliothèque d’environ 7’600 livres, la plus grande de la région. Un soutien assuré entre autres par l’Eglise catholique et l’association EFI (Ensemble nous sommes forts pour Idjwi).

«On ne peut pas lutter contre le réchauffement climatique
sans résoudre le problème de la pauvreté et de la misère.»

Le marxisme et le capitalisme

«Durant le carême, il y a une réflexion intéressante à faire sur les échanges, sur la relation entre riches et pauvres, et la façon dont le monde est mal partagé», déclare cet élu au législatif du Locle pour le Parti ouvrier populaire (POP) depuis 2003. Pour lui, l’Eglise a adopté, durant ces dernières années, une attitude plus tolérante vis-à-vis des mouvements d’inspiration marxiste et de la théologie de la libération, en devenant parallèlement plus critique envers le capitalisme. «Déjà Benoît XVI avait qualifié l’ultralibéralisme de voie sans issue, conduisant vers la destruction de la planète. Et le pape François est encore plus explicite avec son encyclique Laudato Si’: on ne peut pas lutter contre le réchauffement climatique sans résoudre le problème de la pauvreté et de la misère», analyse ce Haut-Valaisan d’origine.

«Si un sacrifice doit être fait, c’est à n’importe quel moment de l’année»

Elles risquent leur vie tous les jours

«Le sens profond du carême, c’est un temps de méditation. Parce qu’au bout de ce temps, il y a le sacrifice suprême [de Jésus sur la Croix], qui a changé le monde, et auquel il faut méditer pour se préparer. Se priver de quelque chose pour favoriser la méditation, je trouve que c’est secondaire. Si un sacrifice doit être fait, c’est à n’importe quel moment de l’année», confie Jean-Marie Rotzer, se basant sur ce qu’il appris des Filles de Marie, en RDC. «Elles sont dans des quartiers difficiles et elles risquent leur vie tous les jours. Elles sont menacées dans les actions qu’elles mènent. Il y a un renoncement énorme de leur part. Pour tenir le coup, c’est quotidiennement que leurs méditations et prières sont nécessaires».

Le carême de sa vie

Neuf déménagements durant les douze premières années de mariage, Jean-Marie Rotzer travaille entre Paris et le canton de Neuchâtel, comme menuisier pour ATD Quart Monde (fondé par le père Joseph Wresinski). Puis en 1991, il poursuit des études afin de devenir ingénieur du bois à Bienne. Ce sera le carême de sa vie. «J’étais étudiant à 36 ans, avec cinq enfants et presque sans revenu pendant 5 ans. Celle qui a payé le plus cher, c’est ma femme qui tombé très malade après», se souvient l’actuel administrateur du Fonds pour la formation du canton de Neuchâtel. C’est peut-être cette période de vaches maigres qui a poussé Jean-Marie Rotzer à s’engager si assidûment et prendre soin de celles et ceux qui, loin de chez nous, vivent injustement un temps de carême tout au long de l’année et sans l’avoir choisi. (cath.ch-apic/gr)

Grégory Roth

Portail catholique suisse

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