«Nous leur demandons humblement pardon pour toutes les injustices dont ils ont été victimes sous couvert de l’autorité de l’Eglise Orthodoxe, et nous nous inclinons devant les martyrs de cette Eglise grecque catholique ukrainienne», déclare la tribune diffusée en plusieurs langues à l’occasion du 70e anniversaire du pseudo ‘Synode de Lviv’ du 10 mars 1946. Le document, relayé le 8 mars 2016 par l’agence Zénit, assure «l’Eglise grecque catholique ukrainienne de notre solidarité, de notre prière pour toutes les victimes innocentes de cette Eglise, qui furent emprisonnées, torturées, déportées et assassinées par le gouvernement soviétique avec la complicité du patriarcat de Moscou».
Le 10 mars 1946, à Lviv, l’Eglise Orthodoxe de Russie a intégré de force l’Eglise grecque-catholique ukrainienne en son sein sous la pression du pouvoir soviétique. Au moment où les participants au synode votèrent les 8 et 9 mars pour la «réunification» de leur Eglise au patriarcat de Moscou tous les évêques grecs catholiques ukrainiens se trouvaient en prison. Les 216 prêtres et 19 laïcs réunis à la cathédrale Saint Georges de Lviv par le NKVD, ancêtre du KGB, étaient à la merci d’un «groupe d’initiative» conduit par deux évêques orthodoxes Antony Pelvetsky et Myhailo Melnyk et par un prêtre orthodoxe Gavril Kostelnyk. Les archives révèlent que Staline lui-même décida de l’élimination de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne en février 1945, douze jours après la conférence de Yalta tenue en compagnie de Winston Churchill et Franklin D. Roosevelt, expliquent les signataires de la déclaration parmi lesquels Antoine Arjakovsky, spécialiste du monde orthodoxe et de l’œcuménisme.
Selon le professeur français, les historiens et théologiens sérieux n’émettent aucun doute sur le fait que le synode de Lviv ne fut qu’un simulacre. A cause de sa suppression en 1946 et jusqu’en 1989, l’Eglise grecque-catholique, forte de plus de 5 millions de membres en Ukraine, devint de facto, la principale victime mais aussi la principale force d’opposition au régime soviétique à l’intérieur de l’URSS. La déclaration appelle donc «les autorités orthodoxes actuelles, en Russie, en Ukraine et ailleurs, à reconnaître la nullité des décisions tragiques du synode de Lviv».
Les signataires rappellent néanmoins que l’Eglise orthodoxe de Russie dans son ensemble ne peut pas être tenue pour responsable de décisions prises par des autorités ecclésiastiques manipulées ou terrorisés par les services de sécurité du NKVD. «Cependant nous, chrétiens orthodoxes, vivant 70 ans après les événements, nous nous sentons responsables du silence coupable qui entoure la destruction de cette Eglise par le régime soviétique avec la participation du patriarcat de Moscou.»
La question de l’Eglise gréco-catholique d’Ukraine reste au cœur des tensions entre catholiques et orthodoxes. Pour les gréco-catholiques ukrainiens, la déclaration commune publiée par le pape François et le patriarche Cyrille de Moscou à Cuba le 13 février dernier ne leur rend pas justice. Ils attendaient de la part de Moscou à défaut d’une demande de pardon, au moins une reconnaissance de la réalité historique.
Dans un message publié le 6 mars, le pape François a remercié l’Eglise gréco-catholique ukrainienne pour sa «fidélité et son union indéfectible avec le successeur de Pierre». La veille, il avait reçu les membres du synode permanent de cette Eglise au Vatican. Le pape a exprimé son respect et sa profonde gratitude à «ceux qui, au prix de tribulations et parfois du martyre, ont témoigné au cours du temps de la foi.» (cath.ch-apic/zn/mp)
Maurice Page
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