D’origine belge, elle a une formation d’assistante sociale mais se définit comme une «mère de famille nombreuse». «On dit cent professions, c’est bien vrai», plaisante celle qui veille à la bonne gestion du Foyer avec ses 44 chambres, de son équipe, et de l’organisation des retraites. Autour d’une soupe à la tomate, elle évoque, pour Cath.ch, le Carême et celui de sa vie à travers son engagement au Foyer de Bex.
Pour vous, qu’est-ce que le Carême?
Carême peut aussi s’écrire «car’aime!». Ce temps privilégié invite à faire ou refaire l’expérience du pardon sacramentel où nous sommes invités à rendre grâce pour tout l’amour dont le Seigneur nous entoure. Nous sommes appelés à reconnaître notre faute et accueillir son pardon. Lorsqu’on va à la rencontre d’un prêtre pour recevoir le pardon du Seigneur, il est important de reconnaître l’amour et de rendre grâce pour ce que le Seigneur nous donne.
Et en cette Année de la miséricorde?
Je pourrais essayer d’approfondir ce mot miséricorde que j’aime beaucoup. Je suis invitée à découvrir de plus en plus que le Père des Cieux est «Cœur pour notre misère». Un approfondissement que l’on peut faire jour après jour. Au Foyer, nous proposons cela à ceux qui sont en recherche et aux «recommençants». Le Carême est un temps de recentrement de ma vie sur la vie même du Christ. Cela me fait penser à ce bel hymne de carême de Didier Rimaud (1922-2003), jésuite et poète, intitulé «En quel pays de solitude ». Il reprend les évangiles du Carême. Tous les mots portent et amènent quelque chose pour se convertir et se tourner davantage vers le Seigneur.
Ce qui signifie être plus attentif aux autres…
Cela signifie être attentif au partage. Ce n’est pas se priver pour accumuler mais pour partager en vue d’un peu plus de justice sur cette terre. Une de nos réalités est d’essayer d’accueillir aussi celles et ceux qui souhaitent venir se ressourcer au Foyer, malgré une situation financière précaire. On essaye de faire en sorte que chacun donne selon ses réelles possibilités. Nous accueillons, par exemple, des personnes en recherche d’emploi, des personnes en souffrance. Nous oeuvrons pour que des personnes plus aisées partagent avec celles qui sont moins bien loties. C’est une attitude évangélique.
«Le Carême est un temps de recentrement de ma vie sur la vie même du Christ.»
Est-il facile de partager quand il n’y a pas de retour?
La réponse ne nous appartient pas. Nous proposons et les retraitants disposent. Chacun voit cela avec le Seigneur. Ce n’est pas à nous d’imposer quoi que ce soit. On propose. Un prêtre avait dit qu’il fallait «attirer à Dieu, mais pas retenir».
Votre engagement est d’accompagner les autres durant le Carême de leur vie
Oui, bien sûr. Nous accueillons parfois des recommençants qui vivent des situations difficiles, des femmes élevant seules leurs enfants, des personnes au chômage, qui connaissent la maladie ou la solitude. Des situations que nous devons accompagner le mieux possible. Nous donnons des pistes pour la suite et certains reviennent au Foyer pour rencontrer le Père Jean-René Fracheboud (actuel Père spirituel du Foyer, ndlr) ou moi-même. J’accompagne les gens de manière différente. Certains ont des difficultés à venir voir un prêtre, ils parlent plus facilement à des laïcs. C’est une manière de les rejoindre et de les accepter comme ils sont.
La soupe, symbole du Carême?
La soupe mais aussi manger plus simplement. L’encyclique du pape François Laudato si’ nous exhorte à retrouver une certaine sobriété plutôt que de continuer à vivre dans une consommation effrénée. C’est ce qu’on essaye de vivre pendant le Carême et c’est à mon sens ce qu’il faudrait vivre un peu plus souvent tout au long de l’année, de manière plus appuyée pendant le Carême.
Le Pape inciterait à un Carême plus «généralisé»?
Oui et il faudra bien, un jour ou l’autre, améliorer notre manière de vivre si on veut continuer à habiter cette planète et en vue de plus en plus de justice. Quand on voit la masse d’argent concentrée dans les mains de quelques uns pendant que des millions n’ont pas de quoi vivre, c’est aberrant.
«‘Tentation’ est un grand mot, mais je me suis posé des questions. C’est humain.»
Qu’est-ce qui a été le Carême de votre vie, votre traversée du désert?
Le Carême de ma vie a duré huit ans, durant lesquels j’ai cherché un remplaçant au Père Clément Renirkens (le premier prêtre prédicateur du Foyer, ndlr). Un désert assez long. Cela me touchait de près car il fallait savoir ce qu’on allait faire avec cette maison. Je me suis beaucoup investie dans la vie du Foyer. La recherche fut difficile. Avec le Père Ravanel, nous avons contacté une quinzaine de prêtres pour autant de refus. Finalement la lumière s’est faite avec l’arrivée du Père Jean-René Fracheboud. J’avais passé un contrat avec le Seigneur: Tant qu’il n’y a pas moins de retraitants, je continue seule jusqu’à ce qu’on trouve quelqu’un. Pendant huit ans, et depuis la création du Foyer en 1971 d’ailleurs, il n’y a jamais eu moins de retraitants. C’était pour moi une réponse de Dieu.
Ce ne fut pas qu’un désert
Il était aussi stimulant de pouvoir faire vivre ce Foyer dans l’attente d’un prêtre. Je trouvais que c’était une période aussi difficile qu’exaltante. Je voyais que le Foyer vivait et qu’on répondait, avec les prêtes venus nous aider, à l’attente des gens, j’étais motivée pour avancer et pour essayer d’y trouver une suite heureuse.
Durant ces huit ans, y a-t-il eu la tentation d’abandonner?
«Tentation» est un grand mot, mais je me suis posé des questions. C’est humain. Ce n’était pas une mise en doute de la vocation mais de l’endroit où je me suis trouvée pour répondre à cette vocation. J’ai donc avancé un jour après l’autre. C’était une bonne manière de vivre. Actuellement, les gens ont grand besoin d’être accueillis. Il y a beaucoup de solitude et je crois que l’accueil dans une maison comme la nôtre est primordial. On ne peut pas arrêter.
Le Carême, est-ce que c’est d’avoir changé quelque chose dans votre vie?
J’essaye de me changer d’année en année, de jour en jour. Le Carême est la période la plus propice pour ce temps de conversion. Une conversion basée sur la prière, la pénitence et le partage. L’essentiel pour moi est basé sur la prière.
Les Foyers de Charité
Les Foyers de Charité sont des communautés de baptisés, hommes et femmes, dans l’Eglise catholique. Avec un prêtre, le père du Foyer, ils se consacrent à l’annonce de l’Evangile. Leur mission principale est l’animation de retraites spirituelles, dans un cadre familial et un climat de silence. Le Conseil pontifical pour les Laïcs a confirmé, le 15 août 1999, la reconnaissance de l’Oeuvre des Foyers de Charité comme Association privée internationale de fidèles, de droit pontifical, dotée de personnalité juridique. On compte actuellement 75 Foyers répartis à travers le monde.(cath.ch-apic/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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