Au Chiapas, le pape appelle à un «examen de conscience» face à la discrimination des peuples indigènes

Le pape François a appelé à un véritable «examen de conscience» après les souffrances infligées aux peuples indigènes, le 15 février 2016, depuis l’Etat mexicain du Chiapas. Acclamé comme «le pape de la lutte» sur la terre de la révolte zapatiste, le pontife latino-américain a assuré aux peuples indigènes que le monde avait besoin d’eux, lors d’une messe colorée à San Cristóbal de las Casas, à l’extrême sud-est du pays.

Au quatrième jour de son séjour au Mexique, le pape s’est rendu au Chiapas, l’Etat le plus pauvre et le moins catholique du Mexique, à la rencontre des indigènes qui composent près de 75 % de la population.

Arrivé en avion de Mexico à l’aéroport de Tuxtla, il s’est ensuite rendu en hélicoptère à San Cristóbal de las Casas, où il a été accueilli par des dizaines de milliers de fidèles, rassemblés sur les terrains d’un centre sportif sous un soleil de plomb. Le podium depuis lequel il a célébré la messe était construit comme une pyramide maya, surmonté de façades d’églises colorées, et décoré de sculptures d’animaux. A l’occasion de son voyage, le pape devait publier un décret permettant la célébration de la messe en langues autochtones.

«Bienvenue au pape de la justice»

Alors qu’il passait à travers la foule en papamobile, le pape François a été acclamé au cri de «bienvenue au pape de la justice, bienvenue au pape de la liberté», ou encore «bienvenue au pape de la lutte». La foule, encouragée par un animateur, a encore crié ces slogans: «vive le pape des pauvres, vive le pape de l’Eglise des pauvres, vive le pape de l’Eglise qui naît dans le peuple, vive le pape qui veut des évêques et des prêtres aux cotés des pauvres».

«Le monde d’aujourd’hui, dépouillé par la culture du déchet, a besoin de vous!»

Dans son homélie, en commentant les lectures du jour, le pape a d’abord rappelé «la souffrance et les abus» du peuple d’Israël, «un peuple qui avait subi l’esclavage et le despotisme du Pharaon». Il a alors évoqué l’aspiration des hommes «à vivre en liberté», relevant cependant que, «de multiples façons et manières, on a voulu réduire au silence et taire ce désir».

Le monde a besoin de vous!

«Souvent, de manière systématique et structurelle, vos peuples ont été incompris et exclus de la société», a ensuite affirmé le pape François. «Certains ont jugé inférieures vos valeurs, votre culture et vos traditions», assuré le pape, lorsque «d’autres, étourdis par le pouvoir, l’argent et les lois du marché, vous ont dépossédés de vos terres ou ont posé des actes qui les polluent».

«C’est si triste! Combien cela nous ferait du bien, à tous, de faire un examen de conscience et d’apprendre à dire: pardon!», a lancé le pape, «pardon mes frères, le monde d’aujourd’hui, dépouillé par la culture du déchet, a besoin de vous!»

Dans son homélie en espagnol, traduite par la suite en langues autochtones, le pape a également évoqué le rôle majeur des peuples indigènes dans le respect de la création, assurant qu’il n’était plus possible «de faire la sourde oreille face à l’une des plus grandes crises environnementales de l’histoire».

Sur la tombe de «l’évêque rouge»

Commencées avec l’arrivée des conquistadores espagnols, au 16e siècle, les discriminations envers les peuples indigènes n’ont jamais cessé depuis. A partir de 1994, le Chiapas, l’Etat le plus indigène du Mexique, fut secoué par la rébellion de l’Armée zapatiste de libération, menée par le sous-commandant Marcos. L’objectif était de dénoncer les nombreuses injustices dont sont victimes depuis des siècles les indigènes, notamment l’expropriation de leurs terres par de grands propriétaires.

Après la messe, le pape devait se rendre à l’évêché de San Cristóbal de las Casas pour déjeuner avec quelques représentants des peuples indigènes. Puis, avant une rencontre avec les familles, il devait visiter en privé la cathédrale, où se trouve la tombe de Mgr Samuel Ruiz, ›l’évêque rouge’. Evêque de 1959 à 1999, celui que les indigènes appellent «Tatic Samuel» (le père de tous, en langue tzotzil), fut médiateur lors du conflit au Chiapas entre l’armée zapatiste de libération nationale et le gouvernement fédéral mexicain. (cath.ch-apic/imedia/ami/pp)

Pierre Pistoletti

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