Chine : Le pape privilégie le dialogue à la confrontation

Au lendemain de l’interview inattendue du pape François sur la Chine au journal Asia Times (Hong Kong), Régis Anouil, rédacteur en chef dEglises d’Asie, fait part de ses impressions à I.MEDIA. Pour le directeur de l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris, le pape François, en choisissant de ne pas aborder la liberté religieuse dans cet entretien, privilégie avant tout le dialogue à la confrontation. Néanmoins, Régis Anouil s’interroge sur l’issue de ce dialogue, alors que rien n’indique que Pékin soit prêt à abandonner sa volonté de contrôle étroit sur les organisations religieuses.

Le pape adresse un message très fort aux Chinois, relève encore le rédacteur en chef d’Eglises d’Asie, les invitant au dialogue avec l’Occident et à se réconcilier avec leur histoire.

Que retenez-vous de cette interview inédite du pape François sur la Chine ? Que veut-il dire quand il assure que «la peur n’est jamais bonne conseillère» ?

Le pape François nous vient des jésuites et son interview qui appelle à une rencontre avec la Chine par le dialogue s’inscrit, à mon sens, dans l’héritage direct du jésuite Matteo Ricci et de son livre écrit en chinois De l’amitié (1595). Il sait que, dans la sagesse confucéenne, le rapport ami-ami est une des cinq relations de base fondant l’harmonie sociale. A l’heure où la Chine fait peur et hésite sur le chemin à prendre – une Chine «brune» qui s’impose par la force ou une Chine «verte» qui s’insère harmonieusement dans le concert mondial -, le pape dit aux Chinois qu’ils n’ont rien à craindre du dialogue avec l’Occident et qu’ils doivent se r éconcilier avec leur histoire. Ce faisant, il suggère un message très fort aux Chinois, eux dont le régime ne cesse de se présenter comme celui qui a été capable de remettre le pays debout et de laver l’humiliation qu’ont été les «Traités inégaux» imposés à l’Empire au milieu du 19e siècle.

Certains ont reproché au pape de ne jamais aborder le problème de la liberté religieuse en Chine dans cet entretien.

Certes, il ne parle pas de la liberté religieuse et des entraves que subissent l’Eglise catholique, les chrétiens et l’ensemble des croyants. Mais il s’adresse aux Chinois et non au régime chinois. Pour cela, on peut regretter qu’il ait choisi de publier cette interview dans une traduction en anglais plutôt qu’en chinois. Sa portée aurait été bien plus grande.

Les vœux du pape François adressés au président Xi Jinping à la veille du Nouvel An chinois, et ses propos sur la Chine peuvent ils être vus comme un signe positif dans le rapprochement diplomatique entre le Saint-Siège et Pékin ?

Concernant les négociations, ce que l’on peut dire est que l’on ne sait rien de leur teneur. Il me paraît prématuré d’évoquer un accord entre les deux parties. En publiant une interview qui n’aborde pas le sujet de la liberté religieuse et des rapports entre Rome et Pékin, le pape se place sur un terrain qui n’est pas celui de la confrontation, mais du dialogue. Bienheureux celui qui, aujourd’hui, peut dire quelle sera l’issue d’un tel dialogue. L’actualité de ces derniers mois en Chine (les arrestations multiples qui visent différents secteurs de la société civile) dénote un raidissement tous azimuts des autorités chinoises ; il serait donc étonnant qu’elles fassent preuve d’une vraie ouverture en direction des seuls catholiques. A ce jour , rien n’indique que Pékin soit prêt à abandonner ce qui est au cœur de sa politique religieuse, à savoir une volonté de contrôle étroit sur les organisations religieuses. On peut toutefois remarquer que le pape a donné cette interview dans une pièce du Vatican qu’ornait un tableau : ›Marie qui défait les nœuds’, une œuvre peinte en 1700 par Johann Melchior Schmidter, qui illustre la puissance de la prière à Marie pour dénouer les situations bloquées. De là à y voir un clin d’œil du souverain pontife à l’attention des dirigeants chinois. (cath.ch-apic/imedia/ami/mp) 

Maurice Page

Portail catholique suisse

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