APIC- REPORTAGE
Des jeunes chrétiens de toute l’Europe célèbrent la liberté retrouvée
Bernard Bovigny, Agence APIC
Budapest, 6janvier(APIC) Budapest est une ville au charme quelque peu suranné pour un touriste occidental, mais elle demeure une vitrine du consumérisme attirant plus que jamais les citoyens des anciennes démocraties populaires aujourd’hui ruinées. Du 30 décembre au 4 janvier, la capitale de
la Hongrie accueillait cependant des visiteurs un peu particuliers : quelque 75’000 jeunes chrétiens, dont 400 Suisses, – et parmi eux 150 Romands,
catholiques et protestants – répondant à l’invitation de la communauté de
Taizé, attirés par un message de réconciliation plus actuel que jamais dans
une Europe menacée par la montée des nationalismes.
Du Portugal à l’Oural – et même d’au-delà, puisqu’un groupe de l’ex-Kazakhstan soviétique avait fait ce long déplacement – toutes les nations
étaient représentées, même si les jeunes étaient venus en majorité d’Europe
de l’Est, les Polonais (plus de 30’000) cotoyant quelques Albanais, des
Roumains, des Bulgares, des Baltes et même des Serbes et des Croates. Sans
oublier les jeunes Russes qui ont été retenus deux jours à la frontière,
tracasseries douanières obligent.
Attirés certes par le message de Taizé – mais aussi pour beaucoup, et
pourquoi pas le dire, par la perspective d’un premier voyage hors de frontières désormais ouvertes – les jeunes se sont rassemblés sur le thème «Un
amour, source de liberté». La liberté, un thème d’actualité plein d’ambiguïté, au moment où les nationalismes et les ambitions de chefs politiques
menacent la paix et la concorde entre les divers peuples d’Europe de l’Est.
Frère Roger, le prieur de Taizé à l’origine de ce rassemblement, l’a d’ailleurs rappelé à Budapest : liberté, que d’abus de confiance ont été commis
en ton nom !
Un accueil fort apprécié
Reçus par groupes d’environ 250 dans les paroisses chrétiennes de Budapest, les participants ont été fort bien accueillis par les jeunes Hongrois, qui ont fait preuve de beaucoup de dévouement et de patience avec
tous ces jeunes aux motivations parfois disparates. Un accueil que les
quelque 400 Suisses ont bien apprécié après un voyage de 14h en train spécial depuis Zurich. Logés dans une école dans la périphérie de Budapest,
pris en charge par les jeunes de la paroisse réformée du No1 de la rue Kossuth, les Vaudois et les Fribourgeois partageaient le gîte avec des Allemands et des Polonais.
Cette communauté, dirigée par le pasteur Sandor Simonfi, a été l’une des
rares paroisses réformées à avoir accepté de recevoir les jeunes invités
par Taizé. C’est qu’en Europe de l’Est, l’oecuménisme n’est pas toujours à
l’ordre du jour, et l’on se méfie un peu de Taizé, accusée dans certains
milieux de vouloir attirer l’ensemble des chrétiens vers le catholicisme.
L’Evangile, un langage commun
Dispersés dans les paroisses de la ville, les participants organisaient
chaque matin une prière commune, suivie d’une discussion entre les jeunes
des différents pays, à partir d’un message de Frère Roger. Puis les 75’000
jeunes convergeaient vers les 5 grandes salles situées à l’Est de la ville,
près du célèbre Nepstadion, pour les prières communes et une explication
d’un passage de la Bible. Comme par miracle, les barrières de langue et de
culture disparaissaient lors des moments de prière vécus dans le plus pur
style de Taizé, c’est-à-dire constitués de refrains dans différentes langues repris 10, 20 ou 50 fois (selon l’ambiance du moment), d’une lecture
de l’Evangile ou du message de Frère Roger.
Rien de bien extraordinaire en somme… en apparence. Et pourtant, un
nombre toujours croissant de jeunes de tous pays accourent à ces rencontres
européennes (il s’agissait déjà de la 14e) pour écouter ce noble vieillard
de 77 ans prodiguer des messages apparemment nébuleux. Et encore, faut-il
appeler «messages» ces méditations qui nous renvoient à l’Evangile pour appeler sans cesse à la réconciliation des chrétiens ? Car c’est justement
sur ce point-là que la communauté de Taizé vise juste. Avant de recevoir
des conseils ou une leçon de morale, la jeunesse actuelle a besoin de se
sentir renforcée, encouragée, pour trouver par elle-même les réponses aux
grandes questions que suscite l’actuel climat d’incertitude.
La liberté des enfants de Dieu
Sandor, un jeune Hongrois étudiant en langues, nous l’explique très bien:
«Lorsque j’ai réussi mes examens d’entrée à l’Université, j’étais très
fatigué et je me posais beaucoup de questions sur la foi. J’ai senti une
illumination en entrant dans une église et j’ai décidé de partir à Taizé. A
l’époque, j’étais non-croyant, mais j’avais entendu parler de cette
communauté». Après un long voyage en bus jusqu’à Paris, puis à bicyclette à
travers la France, il arrive à Taizé, s’inscrit pour y demeurer trois jours
(méfiance!), lie peu à peu connaissance avec d’autres jeunes et, enfin,
rencontre un frère de la communauté qui l’écoute avec beaucoup d’attention
mais n’essaie même pas de répondre à ses questions!
«D’abord, j’étais déçu. Plusieurs centaines de kilomètres à vélo pour ne
recevoir aucune réponse à toutes mes questions !» Puis Sandor d’ajouter
avec un sourire : «Par contre, j’y ai reçu une force nouvelle qui m’a permis de cheminer par moi-même…» Il ne quittera Taizé que 16 jours plus
tard, pressé par les délais de retour à Budapest. Cette histoire est très
significative de la force de ressourcement que représente Taizé. Pour
d’autres, la démarche est moins spectaculaire; elle passe, comme pour cette
personne de notre groupe, par une larme d’émotion après avoir touché la
grande croix à la fin de la prière ou simplement par le silence d’une
méditation qui dure parfois une nuit entière.
L’»esprit de Taizé»
Cet «esprit de Taizé» qui fait que des dizaines de milliers de jeunes dont un bon nombre ne s’affirme d’aucune confession et dont la majorité vit
très peu de choses dans sa propre paroisse – affluent chaque année sur la
colline de Taizé, dans ce magnifique paysage bourguignon, était également
présent sur les bords du Danube. Presque tous y ont vécu un moment intense
et prié ensemble, sans trop se poser de questions. Les jeunes croient en
cette unité des chrétiens – contrairement à certains catholiques qui affirment que Taizé ne distingue pas nettement ce qui appartient à chaque confession ou à ces réformés estimant que l’oecuménisme de Taizé consiste à
attirer tous les chrétiens vers la confession catholique – et la vivent
sans se soucier de leur appartenance confessionnelle. Car nombreux sont
ceux qui ont, lors de tels rassemblements, l’occasion de s’interroger sur
leurs différences et de découvrir que ce qui les sépare est bien plus insignifiant que ce qui les unit. (apic/be/bb)
Encadré
Réconciliation et pardon, une seule et même réalité d’Evangile
«Réconciliation et pardon sont une seule et même réalité d’Evangile, puissions nous tous nous rappeler que sans pardon, sans réconciliation, il n’y
a pas d’avenir pour notre personne humaine, c’est-à-dire pour chacun d’entre nous», a déclaré Frère Roger, en s’adressant aux participants de la
rencontre de Budapest. «Sans pardon, a-t-il poursuivi, il n’y a pas d’avenir pour les chrétiens, tant les séparations entre chrétiens nous rendent
inconséquents avec l’Evangile; sans pardon, il n’y a pas d’avenir pour un
peuple. Un peuple ne peut pas exister en plénitude s’il se déchire en luttes politiques. Sans pardon, il n’y a pas d’avenir pour la liberté dans la
grande famille de l’Europe. Oui, sans pardon, pas d’avenir pour une personne, pas d’avenir pour un peuple, pas d’avenir pour une Europe réconciliée».
(apic/be/bb)
Encadré
La communauté de Taizé, une parabole de communion
Août 1940, la guerre mondiale fait rage. A 25 ans, frère Roger Schutz, un
protestant d’origine suisse, s’installe seul dans le village presque abandonné de Taizé. Il songe à former une communauté monastique d’hommes pour
réaliser une «parabole de communion». Cette parabole, il veut la situer au
coeur de la détresse du moment : il cache des réfugiés dans sa maison, notamment des Juifs fuyant la persécution nazie.
Pendant deux ans, le fondateur de Taizé demeure seul, puis ses premiers
frères le rejoignent. A Pâques 1949, ils sont sept à s’engager ensemble
dans la vie commune et le célibat. Puis d’autres frères se joignent à la
communauté et s’engagent à leur tour par des voeux pour la vie. Ils sont
aujourd’hui 90, catholiques ou d’origine protestante, d’une vingtaine de
nationalités. Certains vivent en petites fraternités, partageant les conditions de vie des quartiers pauvres en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud
et du Nord. (apic/be/bb)
(Bernard Bovigny est assistant pastoral à la paroisse de Marly/FR)
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