L’initiative lancée par l’UDC attise la défiance à l’égard de notre justice, de la politique et des étrangers, martèlent les évêques dans un communiqué du 26 janvier. «Or, la dignité humaine fait partie intégrante des bases de la foi chrétienne. Au centre de la conception humaine telle que la comprend la foi chrétienne se trouve également le principe selon lequel ce sont les actes, et non la personne en tant que telle, qui peuvent être jugés», rappelle la CES. Pour les évêques, les droits humains s’appliquent également aux étrangères et aux étrangers qui ont commis des actes répréhensibles. Les commissions Justice et Paix et migratio de la CES, qui ont rédigé le communiqué, jugent ainsi l’initiative de mise en œuvre inutile, irrespectueuse et injuste.
Les évêques qualifient en outre l’initiative de «trompeuse». Elle prétend mettre en application l’initiative ‘Pour le renvoi des étrangers criminels’, approuvée par le peuple suisse en 2010. En réalité, note la CES, elle constitue un durcissement drastique. Elle porte atteinte aux prescriptions du droit international et à des principes constitutionnels qui ont fait leurs preuves (principe de proportionnalité et Etat de droit), et fait croire que des étrangères et étrangers jugés coupables peuvent actuellement bénéficier d’un droit d’établissement illimité. En réalité, des délinquants sans passeport suisse sont déjà expulsés, soulignent les prélats suisses.
La Convention européenne des droits de l’homme est sacrifiée sur l’autel de la peur
L›application de l’initiative «Pour le renvoi des étrangers criminels» définie par les instances fédérales est fondamentalement remise en question par l’initiative de mise en œuvre, laquelle aboutirait, si elle était approuvée, à un durcissement important de la pratique actuelle en matière de renvoi et de conditions d’entrée. «Ces types de contraintes sont indignes de la Suisse et inutiles», tonnent les évêques.
Pour ces derniers, l’initiative de mise en œuvre déborde clairement du domaine constitutionnel, elle ignore le principe éprouvé de la séparation des pouvoirs préconisé par la justice suisse. Par ce principe, il revient au peuple de définir les principes de base, alors que les éléments plus précis qui en découlent, la mise en œuvre et l’application sont confiés aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Or, les motifs de renvoi pour de nombreux délits, et même pour des bagatelles, définis dans l’initiative laissent peu de marge de manœuvre aux tribunaux dans l’examen des cas individuels. Les prélats soulignent ainsi que le non-respect de ces importants principes constitutionnels est indigne de notre démocratie et irrespectueux à l’égard des institutions de notre pays.
Jusqu’à présent, la justice a adopté le principe suivant: «Ce qui est semblable est traité de manière identique et ce qui est dissemblable, de manière différente». Ce qui permet, selon les cas, de prendre en compte des circonstances particulières. La procédure de renvoi prévue dans l’initiative de mise en oeuvre ne respecte pas ce principe et traite les étrangers selon d’autres critères que les Suisses. Ainsi, des pères de famille pourraient être expulsés alors que leurs enfants et/ou épouse sont des citoyens suisses. Des étrangers de la seconde génération sans passeport suisse devraient être expulsés dans la patrie de leurs parents, sans parfois ne connaître ni la langue ni la culture. Le droit au respect de la vie familiale, garanti dans l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, est sacrifié sur l’autel de la peur à l’égard des étrangers criminels, affirme la CES. «Une telle procédure est en contradiction avec les principes de justice et d’équité». Les prélats rappellent que, du point de vue chrétien, les principes de la dignité humaine et de la miséricorde font rejeter l’initiative. Selon la conférence épiscopale, s’opposer aux formes manifestes et subtiles d’atteintes à la dignité humaine fait partie du formidable héritage de la culture judéo-chrétienne. «Il vaut la peine de protéger cette dignité, y compris dans le cas de délinquants, car la miséricorde de Dieu va aussi à la rencontre de l’être humain qui s’est égaré», conclut la CES.
Les organisations juives de Suisse, ainsi que l’oeuvre d’entraide protestante EPER se sont déjà prononcées contre l’initiative de l’UDC.
(cath.ch-apic/com/rz)
Raphaël Zbinden
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