L’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg était cette année l’hôte d’honneur de la messe organisée en janvier par «Aide à l’Eglise en Détresse» (AED). L’œuvre d’entraide catholique veut à cette occasion attirer l’attention sur le sort des chrétiens qui subissent la persécution et la marginalisation dans de nombreuses parties du monde.
Cette année, plusieurs personnalités politiques, comme le président du Grand conseil lucernois Franz Wüest, des députés au parlement cantonal, et le maire de Lucerne Stefan Roth, avaient fait le déplacement. Ce dernier a souligné, lors de la cérémonie, qu’aujourd’hui des millions d’hommes de toutes les confessions sont discriminés et menacés à cause de leur foi.
Stefan Roth a rappelé, face à la tentation de repli sur soi, la générosité des Suisses en ces jours de février 1871: ils accueillirent quelque 87’000 soldats de l’armée de Bourbaki en déroute, échoués au poste frontière des Verrières. Et de souligner que pour une ville de 80’000 habitants comme Lucerne, ce n’est certainement pas une affaire d’offrir un toit à quelques centaines de réfugiés fuyant les persécutions.
Mgr Morerod, qui a visité à l’invitation de l’AED, en octobre 2013 au Kirghizstan et en Ouzbékistan, la petite minorité catholique dispersée au milieu de la population musulmane d’Asie Centrale, est très attentif à la question de la liberté religieuse. Les échanges et le dialogue entre les religions sont cruciaux à ses yeux. «Où qu’on soit dans le monde, on rencontre d’autres religions. Dans ces conditions, il est particulièrement important de bien se connaître. Si on ne se parle pas, on se fait une image de l’autre qui risque d’être une caricature», a-t-il déclaré.
Et de plaider pour la franchise et le parler franc: «Quand on se parle, il faut dire les choses telles qu’on les pense, certes avec délicatesse! Il ne faut pas laisser des cadavres dans le placard, car ils ressurgissent tôt ou tard», a-t-il confié plus tard à cath.ch. Pour lui, ne pas dire la vérité ne favorise pas le dialogue.
L’évêque fribourgeois a soulevé dans son exposé à la fin de la messe la question de la violence religieuse, qui touche toutes les religions. «Certains disent que s’il n’y avait pas de religion, tout irait mieux. Nous aussi, nous avons notre histoire de violence religieuse!» Et de citer un livre de l’Ancien Testament (Nombres, chapitre 31, 17-18: Maintenant, tuez tout mâle parmi les petits enfants, et tuez toute femme qui a connu un homme en couchant avec lui; mais laissez en vie pour vous toutes les filles qui n’ont point connu la couche d’un homme.)
«C’est actuellement ce que l’on reproche à Daech… Il y a aussi eu des guerres de religion chez nous, et nous n’avons pas non plus été fidèles à l’Evangile. Que faisons-nous avec ces textes: on les lit à la lumière de l’Evangile, et là, cela change tout! On a fait une exégèse de nos textes et on n’oublie pas que l’Evangile a été rédigé par tel ou tel évangéliste».
«Mais maintenant, nous pouvons poser cette question aux musulmans: que pouvons-nous faire pour éviter la violence. Dans le Coran, on dit que c’est Dieu qui parle sans intermédiaire. Alors comment interpréter le Coran quand il dit qu’il est bon de tuer les chrétiens. C’est une question qu’on leur pose, et c’est à eux de répondre!»
Durant la messe, les collaborateurs d’AED ont allumé des bougies sur l’autel, à la mémoire des chrétiens martyrisés pour leur foi durant l’année dernière dans diverses régions du monde, rappelant en particulier la figure du Père Frans van der Lugt, un jésuite néerlandais vivant depuis 1967 au cœur de la ville de Homs, en Syrie. Il a été abattu par des djihadistes le lundi matin 7 avril 2014. Quatre bougies allumées pour les 44 chrétiens dont on connaît les noms, assassinés en haine de leur religion. JB
Encadré
L’œuvre d’entraide catholique internationale «Aide à l’Eglise en Détresse» (AED), dont la section suisse est basée à Lucerne, commémore chaque année à la même époque la figure de son fondateur, le Père Werenfried van Straaten. Ce religieux prémontré d’origine hollandaise, décédé en janvier en 2003 à l’âge de 90 ans, était mondialement connu sous le nom de «Père au lard». Dans l’après-guerre, il passait dans les fermes de Flandre pour récolter de la nourriture afin de venir en aide aux chrétiens persécutés en Europe de l’Est. Aujourd’hui, alors que les régimes communistes se sont depuis longtemps effondrés en Europe, la persécution des chrétiens continue sous d’autres cieux, notamment dans les pays du Moyen-Orient en proie aux groupes islamistes fanatisés, comme Daech ou le Front al-Nosra. AED soutient annuellement quelque 5’000 projets dans plus de 140 pays, dont la Syrie et l’Irak. (cath.ch-apic/be)
Jacques Berset
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