De retour du Vietnam, Mgr Reinhard Marx est optimiste

Achevant son voyage au Vietnam, le cardinal Reinhard Marx, président de la Conférence des évêques catholiques d’Allemagne, a accordé une interview à l’agence de presse catholique allemande KNA. Depuis Saigon, le 17 janvier, le cardinal allemand y livre, pour le site Eglises d’Asie, les impressions que lui a laissées cette visite.

Eminence, pouvons-nous parler en toute liberté?

Naturellement. Je ne crois pas qu’il y ait ici des micros! Pourquoi faire? J’ai eu des échanges très francs avec les représentants de l’Etat. Par exemple, le président du Front patriotique a déclaré: «Nous nous félicitons du développement de l’Eglise». Je lui ai répondu: «Mais, Monsieur le président, vos propos contredisent la doctrine marxiste, car partout où se développent des sociétés orientées vers le socialisme, selon la doctrine, la religion doit dépérir!»

Avez-vous convaincu votre interlocuteur du contraire?

Mon impression est celle-ci: mes interlocuteurs, dans leurs échanges avec moi, n’ont pas manifesté un très grand enthousiasme pour défendre leur propre idéologie. Au contraire, ils nous ont dit qu’ils voulaient que leurs compatriotes bénéficient d’un meilleur niveau de vie au plan matériel. C’est pour cela qu’ils veulent développer l’économie de marché de type socialiste. C’est à cause de cela qu’ils ne peuvent pas s’opposer à l’Eglise dans ses activités pour les pauvres. Le président du Front patriotique était très fier d’évoquer devant moi vingt-cinq jardins d’enfants catholiques. Comment cela va-t-il évoluer? Il faudra voir. J’ai dit aux évêques du pays qu’il fallait qu’ils se préparent à administrer des écoles, des lycées, des universités. Un grand travail de formation les attend.

Ainsi, les restrictions imposées à la religion ne sont pas si catastrophiques que cela?

Les évêques, les prêtres, les laïcs avec qui nous avons parlé les ont exprimées ainsi: «Pas à pas, nous pouvons aller de l’avant». L’Eglise se développe. La population vietnamienne est jeune, et il en est de même pour l’Eglise. Face aux bureaux gouvernementaux, que ce soit la Commission de l’Assemblée nationale pour les Affaires religieuses ou la Commission compétente (NdT: sans doute, des Affaires religieuses) du ministère de l’Intérieur, nous avons évoqué ouvertement les problèmes encore très sensibles. En tant qu’évêque allemand, j’ai insisté sur les points suivants: la loi sur la religion devrait être étendue et développée. Les restrictions dans l’enregistrement des religions doivent être éliminées. Il faut créer les conditions pour que les Eglises comme les diverses religions participent aux actions sociales dans le domaine caritatif, dans l’éducation et dans les soins de santé.

Il n’y a pas encore une liberté religieuse comme nous la souhaitons. Cependant, la liberté de mouvement de l’Eglise s’améliore.

Une évolution positive pourrait-elle se produire au moment même où le XIIe Congrès du Parti communiste vietnamien est sur le point de se dérouler?

Nous avons eu l’occasion de constater qu’à l’intérieur du Parti comme chez les cadres, il existe de nombreuses prises de positions différentes. Cela n’a jamais existé en République démocratique allemande autrefois. Ici, les débats ont lieu ouvertement avec de nombreuses prises de positions différentes, comme, par exemple, dans la discussion sur la loi sur la religion. Voilà pourquoi il était bien que nous soyons ici, juste avant le Congrès du Parti. Les représentants des Eglises nous l’ont affirmé: au cours des dix ou quinze dernières années, il y a eu beaucoup d’améliorations. Naturellement, il n’y a pas encore une liberté religieuse comme nous la souhaitons. Cependant, la liberté de mouvement de l’Eglise s’améliore. Et je n’ai pas l’impression que le Parti veuille inverser cette tendance. Au contraire, il veut l’élargir davantage. Néanmoins, s’agissant du Parti communiste, personne ne sait à l’avance ce qui peut se passer, quand cela se passera et comment. Nous avons aussi entendu un certain nombre de personnes affirmer qu’elles ne croyaient pas à de futurs changements.

Le Saint-Siège fait de grands efforts pour se rapprocher du Vietnam. En tant que membre du Conseil des cardinaux (le C9 à Rome), quel est votre rôle dans ce processus?

Je ne suis pas le représentant du pape pour les relations diplomatiques. Cette fonction est assumée par le cardinal secrétaire d’Etat. Prochainement, il viendra en visite dans ce pays. Cependant, mes interlocuteurs politiques, lors des entretiens qu’ils ont eus avec moi, n’ont cessé de souligner le respect qu’ils portaient au Souverain pontife et tout l’intérêt qu’ils attachaient à entretenir de bonnes relations avec lui. On m’a fait la liste exacte des personnalités vietnamiennes qui sont allées au Vatican et y ont rencontré le pape François. L’accueil que j’ai reçu est aussi un signe de la haute estime dans laquelle ils tiennent les relations avec l’Eglise catholique. Ils pensent que je présenterai un exposé élogieux de mes rencontres avec eux au Souverain pontife. Cependant, la teneur de mon rapport, je la réserve au pape, pas aux communistes. (cath.ch-apic/ kna /eda/bh)

Bernard Hallet

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