Mercredi 27 janvier 2016, ces deux militants fribourgeois, rejoints par Fabienne Tâche, de Tatroz, tous membres de l’Action Chrétienne Agricole Romande (ACAR) et du syndicat paysan Uniterre, participeront à l’audience générale du mercredi au sein d’une délégation de quelque 140 paysans européens. Ils seront également accompagnés de Werner Locher, de l’association alémanique BIG-M, qui lutte en Suisse pour un lait payé au juste prix.
La délégation du syndicat des producteurs de lait, l’European Milk Board (EMB), qui va rencontrer le pape François le mercredi 27 janvier, va lui porter le message des paysans européens qui subissent de plein fouet la libéralisation du marché du lait et la fin des quotas laitiers depuis avril dernier au sein de l’Union européenne.
Les producteurs européens subissent de lourdes pertes financières, car dans certaines régions le prix du lait ne couvre que le 65 % des coûts de production. Pour maintenir des prix décents, ils réclament une limitation des volumes de lait produits.
A l’issue de l’audience générale, le pape François recevra une délégation de cinq membres du comité de l’EMB, emmenés par son président, l’Allemand Romuald Schaber. Qui affirme que le marché du lait est saturé, provoquant la diminution de son prix, parlant même d’effondrement. Les délégués cherchent par ce moyen à sensibiliser davantage le public et les consommateurs à la grave crise que traverse le monde agricole. Ils tenteront de convaincre le souverain pontife de plaider leur cause auprès des gouvernements.
Pour faire entendre la voix des producteurs, l’EMB, qui a déjà organisé des «grèves du lait», a démarré en décembre dernier la campagne de protestation intitule «Du lait pour Juncker». Les producteurs de lait de toute l’Europe envoient des colis remplis de briques de lait au président de la Commission européenne en guise de protestation «contre la politique laitière destructive» de l’Union européenne.
Le risque est grand, pour l’EMB, devant «l’affaiblissement dangereux d’un pilier important de l’agriculture européenne», de voir même son effondrement total en raison des excédents chroniques, cause du bas niveau continu des prix du lait.
Dans leur message, les paysans de Suisse romande membres de l’ACAR et d’Uniterre vont porter ce message au pape François, souligne Cécile Mettraux.
«Nous sommes inquiets parce que beaucoup de paysans, en Suisse aussi, vivent de grandes difficultés. Les prix payés pour nos produits ne couvrent plus les frais de production, en particulier du lait, qui est le revenu essentiel pour 70% des familles paysannes suisses», assène la paysanne de Gillarens.
Elle rappelle que pour cette raison, «certains arrêtent la production laitière et s’orientent vers d’autres productions, avec de gros investissements financiers, d’autres assument un travail supplémentaire au risque de perdre leur santé, d’autres encore abandonnent l’exploitation agricole et vendent leur force de travail ailleurs…»
La situation est parfois si désespérée que des paysans sont tentés par le suicide. En France voisine, en 25 ans, le pays a perdu 300’000 exploitations agricoles, soit 800’000 actifs. Le suicide – on parle d’un tous les deux jours – est la troisième cause de mortalité dans la profession. Le phénomène touche aussi la Suisse.
Max Fragnière a été fermier du domaine de l’Abbaye de la Fille-Dieu, à Romont, de 1979 à 2005 – deux de ses fils ont repris l’exploitation – mais il poursuit son militantisme pour le maintien d’une agriculture familiale.
Dans leur adresse au pape, les paysans fribourgeois affirment que la lutte pour une agriculture familiale de proximité – en opposition avec l’industrie agro-alimentaire et à une production mondialisée – comprend le respect de l’environnement, le refus des OGM et de la disparition de la biodiversité, l’opposition au «brevetage» du vivant, ainsi que l’accès à la terre et à l’eau. Ils considèrent le droit à l’alimentation comme un droit humain, qui passe par le droit à la souveraineté alimentaire.
«La délégation remettra au pape François un exemplaire de notre initiative populaire fédérale ‘Pour la souveraineté alimentaire – L’agriculture nous concerne toutes et tous’, pour laquelle nous récoltons encore des signatures», précisent les deux Fribourgeois. Max Fragnière, tout comme l’ancien conseiller d’Etat Pascal Corminboeuf, font partie du comité d’initiative. JB
Encadré
L’Action Chrétienne Agricole Romande (ACAR) a vu le jour dans les années soixante à Genève, avant de gagner le Jura et Fribourg. Ses membres – pour la plupart des adultes issus de mouvements d’Action Catholique de jeunesse – sont des paysans et des maraîchers conscients des enjeux et des défis de la vie agricole d’aujourd’hui et désireux de défendre la terre et les droits de celles et ceux qui la travaillent dans un esprit de partage et de solidarité. Beaucoup sont engagés dans des organisations agricoles ou des syndicats, dans leurs communes ou leurs paroisses. Le mouvement est présent dans les cantons de Fribourg et du Jura. Il a des sympathisants dans ceux de Vaud et de Neuchâtel. Il est relié à la Fédération Internationale des Mouvements d’Adultes Ruraux Catholiques (FIMARC). A ce titre, il est habilité à intervenir à la Commission des Droits de l’homme de l’ONU à Genève. Avec les syndicats Uniterre et Via Campesina, les membres de l’ACAR défendent le droit à la souveraineté alimentaire et le commerce équitable. (cath.ch-apic/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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