L’initiative constitutionnelle «Contre l’ouverture d’un Centre Islam et Société à l’Université de Fribourg : non à une formation étatique d’imams», déposée en juillet dernier, a recueilli 8’734 signatures valables. Sur la base de deux avis de droit des professeurs Pascal Mahon de l’Université de Neuchâtel et Benjamin Schindler de l’Université de St-Gall, le Conseil d’Etat arrive à la conclusion que l’initiative doit être invalidée. Le titre et le texte de l’initiative demandent en effet l’interdiction de créer un institut académique consacré à l’étude de la religion musulmane dans la société suisse. Les experts s’accordent sur le fait qu’une telle interdiction, fondée sur une différence confessionnelle et orientée contre les personnes d’une seule religion, est discriminatoire et donc contraire à la Constitution fédérale, note le gouvernement fribourgeois.
Même si le texte de l’initiative est formulé en termes généraux et qu’il appartiendrait au Grand-Conseil d’élaborer un texte précis à insérer dans la Constitution fribourgeoise, une formulation non discriminatoire serait forcément non conforme au contenu de l’initiative, estime le Conseil d’Etat. Il ne reste donc pas d’autre solution que de l’invalider.
L’invalidité de l’initiative doit faire l’objet d’une décision du Grand-Conseil, sujette à recours devant le Tribunal fédéral. Si le parlement constate la nullité de l’initiative, aucune suite n’est donnée. Si, par contre, il admet sa validité, il devra élaborer, dans un délai d’une année, un texte qui sera soumis au peuple.
Indépendamment des considérations formelles, le gouvernement fribourgeois rappelle que le Centre suisse Islam et Société, qui entre-temps a commencé ses cours, n’offre pas de formation d’imams qui est expressément exclue de ses missions. Ses tâches sont, d’une part, la formation continue de personnes en contact avec des musulmans, tant dans le cadre des associations musulmanes que des institutions suisses. D’autre part, il conduit la recherche scientifique, avec un accent particulier sur les questions interreligieuses et l’éthique sociale. Il offre un programme doctoral qui examine comment la religion musulmane peut être interprétée et vécue dans le contexte de la société suisse. Par ses missions, le Centre suisse Islam et Société entend contribuer à la cohabitation de différentes religions présentes en Suisse, conclut le communiqué.
Encadré:
Dans son message au Grand-Conseil le Conseil d’Etat résume ainsi les deux avis de droit:
En d’autres termes, l’initiative vise à exclure du champ d’études, d’enseignement et de recherche de l’Université toute une catégorie de personnes et de phénomènes pour le seul motif qu’ils relèvent d’une (seule) religion déterminée, l’islam. La religion étant un des critères suspects énumérés à l’article 8 al. 2 Cst., les termes de l’inégalité de traitement qualifiée, et donc de discrimination, sont donnés. Ce traitement discriminatoire ne saurait pas non plus être justifié: il n’y pas de motifs pouvant être évoqués dans ce contexte. Dans ce sens, l’initiative opère une discrimination basée sur les convictions religieuses. (cath.ch-apic/com/mp)
Maurice Page
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