La petite communauté juive locale, les historiens de l’Holocauste et les juifs originaires de Tchernivtsi se sont mis d’accord sur l’idée de restaurer le bâtiment de» Beit Kadishi» (maison des adieux) afin de créer un musée de l’Holocauste en tant que département de Musée de Tchernivtsi pour l’histoire et la culture des juifs de Bucovine.
Le bâtiment de «Beit Kadishi» a été construit dans le cimetière juif à la demande du conseil de la ville en 1905-1906, en même temps qu’un second bâtiment semblable dans le cimetière chrétien qui abrite aujourd’hui l’institut de médecine légale. Il s’agit d’un quadrilatère d’environ 20 mètres de côté surmonté d’une coupole en fonte de 11 mètres de hauteur. Abandonné depuis la Deuxième Guerre mondiale, il se dégradait lentement. Le coût de la première étape de la rénovation se monte à 400’000 euros. L’ambassade d’Allemagne a promis une contribution de 100’000 euros, le reste devant être couvert par des sponsors privés et des dons.
Nikolay Kushnir, directeur du Musée de Tchernivtsi pour l’Histoire et la culture des juifs de Bucovine, est convaincu que l’idée va susciter l’intérêt de tout le monde et pas seulement des juifs. Dans le musée, le sujet de l’Holocauste ne prend pas la première place, il ne sera qu’une partie de l’exposition qui présentera la vie des juifs de Bucovine. Mais l’Holocauste a mis un terme à cette vie juive. Le directeur attend avec impatience un large débat sur le projet avec des idées créatives. La formation de l’exposition devrait débuter dans trois ans.
L’histoire des juifs de Bucovine, et en particulier à Tchernivtsi, est particulièrement riche. Au début du XXe siècle, la ville était réputée pour son caractère très cosmopolite. Elle abritait des juifs, des catholiques, des orthodoxes, des gréco-catholiques et des protestants.
Les premiers juifs sont arrivés en Bucovine venant de Pologne, en 1650, alors que le pays était encore moldave (depuis 1359). À partir de 1775, la Bucovine, devenue une possession des Habsbourg après une courte occupation russe, voit s’intensifier la colonisation juive. La ville de Tchernivtsi, à la frontière de l’Europe occidentale et orientale, reste le symbole du multilinguisme et des mélanges culturels aux confins de l’Empire austro-hongrois. C’est là qu’est organisée, en 1908, la conférence de Czernowitz ‘ pour la langue nationale du peuple juif. S’y opposent ceux qui défendent le yiddish, la langue du peuple; et les sionistes qui défendent l’idée de la création d’un État juif en Palestine et l’adoption de l’hébreu moderne.
Lors de la dissolution de l’Empire d’Autriche-Hongrie en 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale, la ville revient à la Roumanie. En 1930, elle compte 200’000 habitants dont la moitié est juive. Mais l’antisémitisme du gouvernement roumain met peu à peu fin à son cosmopolitisme. A la suite du pacte Hitler-Staline, la cité devient soviétique, le 28 juin 1940. Reprise par les Roumains sous le régime Antonescu allié de l’Allemagne nazie en 1941, elle voit cette fois l’armée roumaine déporter en Transnistrie les juifs de la ville, à l’exception des 16’000 sauvés par le, maire de la ville. Après que la Roumanie a rejoint les Alliés le 23 août 1944, Tchernivtsi est occupée par les troupes de l’Armée rouge. Beaucoup de juifs choisissent de quitter la ville pour rejoindre le nouvel Etat d’Israël. Elle fait partie de la République socialiste soviétique d’Ukraine à partir de 1947, sous son nom ukrainien de Tchernivtsi, jusqu’à la dislocation de l’Union soviétique en 1991. Depuis, elle est une ville d’Ukraine. À l’exception d’une petite minorité roumaine et d’une infime communauté juive, sa population est aujourd’hui presque entièrement ukrainienne. (cath.ch-apic/risu/mp)
Maurice Page
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