L’institution de santé avait-elle le droit de refuser qu’un médecin pratique une euthanasie dans son établissement? Entre partisans et opposants à l’euthanasie, l’interprétation de la clause de conscience prévue par la loi diverge diamétralement. Une institution catholique, employant des médecins, peut-elle interdire à l’un de ceux-ci de pratiquer un acte autorisé par la loi? En d’autres termes, une institution peut-elle, en tant que telle, invoquer une clause de conscience, qui s’appliquerait dès lors à tous ses employés ? Pour les partisans du ‘droit de mourir dans la dignité’, la loi reconnaît une faculté d’objection de conscience, mais uniquement aux individus. Une institution ne pourrait donc collectivement s’y opposer.
C’est pour une telle ‘obstruction à la loi’ qu’une maison de retraite est aujourd’hui poursuivie par la famille d’une malade, pour avoir «aggravé ses souffrances physiques et psychiques», obligeant ainsi à un transfert de la personne, en ambulance, pour que l’euthanasie puisse être pratiquée ailleurs. La famille a attaqué l’établissement, et l’affaire sera portée devant le tribunal civil de Louvain en avril 2016.
«Depuis 2011, un arrêté royal souligne explicitement que les maisons de repos et de soins doivent respecter la loi sur les droits du patient et celle sur l’euthanasie pour bénéficier de subsides publics. Une institution en tant que telle ne peut s’approprier cette clause de conscience», indique Jacqueline Herremans, présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. Elle reconnaît néanmoins que «tout doit être fait pour ne pas heurter les membres du personnel qui ne partagent pas la volonté ou la vision du monde de la personne qui souhaite une mort choisie en bénéficiant d’une euthanasie».
Les opposants à l’euthanasie reprennent de leur côté le rapport parlementaire concernant le projet de loi relatif à l’euthanasie. Ce texte déclare que les établissements de soins auront, après l’entrée en vigueur de la loi, la possibilité de refuser de collaborer à la pratique de l’euthanasie pour des raisons de principe. Ils soulignent aussi que la loi ne crée pas un droit fondamental à l’euthanasie. Elle se limite à la dépénaliser, et à permettre aux médecins de l’effectuer dans des conditions légales.
Bien que sans lien direct avec l’affaire en question, les propos tenus à Noël par Mgr De Kesel, nouvel archevêque de Malines-Bruxelles, invoquant le droit de certaines institutions catholiques de ne pas pratiquer des euthanasies, avaient déjà suscité une vive polémique. Depuis sa légalisation, le recours à l’euthanasie est en augmentation constante en Belgique. En 2013, 1’807 personnes ont choisi de mourir de cette façon, soit près de cinq par jour. (cath.ch-apic/cathobel.be/mp)
Maurice Page
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