L’artiste, décédé d’un cancer de la langue, n’avait révélé publiquement sa foi que dans un livre paru en 2013, intitulé «J’ai osé Dieu». Il y avouait avoir «probablement toujours été chrétien». Il avait jusque-là tu ses croyances, par peur des railleries, par crainte d’ennuyer son auditoire, ou encore de dévoiler ce qu’il avait de «bien plus intime que sa vie privée», confiait-il en 2014, au quotidien Ouest France. Il avait néanmoins franchi le pas de la révélation. «Si je m’en allais sans jamais en avoir parlé, j’aurais des regrets», assurait-il dans le journal.
Le chanteur avouait mener depuis près de quarante ans une «double vie de paillettes et de croyant». Il partageait son intimité, derrière la scène, avec un «guide», un «ami», un «frère» nommé Jésus.
Elevé dans la tradition catholique, l’auteur de Pour un flirt confiait en 2013 au magazine chrétien français La Vie, n’avoir pas pour autant baigné dans un environnement très croyant. «Le catéchisme était davantage une occasion d’acheter des chewing-gums à l’épicerie d’à côté que d’écouter des bondieuseries!» Il avait tout de même gardé en mémoire sa première communion, où il s’était senti «envahi par un amour aussi absolu que mystérieux». Plus tard, le quotidien a vite repris le dessus et, à 18 ans, avec une carrière déjà bien lancée, le chanteur s’est engouffré «dans une vie faste et facile».
A l’âge de 25 ans, des questions existentielles commencent à assiéger son esprit. Il essaye alors de nombreuses voies, telles que la méditation transcendantale, le bouddhisme, l’hindouisme… «Mais, au fond de moi, je ressentais toujours une inadéquation, une insatisfaction. Ces spiritualités orientales ne me correspondaient pas. Et je ne voulais pas entendre parler du christianisme, synonyme pour moi d’austérité, de souffrance et de péché».
Il est atteint, à la fin des années 1970, par une profonde dépression, dans le sillage d’un douloureux divorce d’avec sa première épouse, Chantal Simon. Il disparaît alors durant de longues années de la scène musicale.
Le témoignage d’un moine, à la télé, au début des années 1980, le réoriente vers la foi chrétienne. Il écrit alors à cet ex-junkie devenu bénédictin à l’abbaye normande de Saint-Wandrille. Il part en retraite dans le monastère et Frère Odon lui conseille des lectures. La star des années yé-yé dévore les écrits de Jean de La Croix, François de Sales, Thérèse de Lisieux, du starets Silouane. «Les quelques jours passés là-bas ont transformé mon mal-être en bien-être. Tout s’unifiait», a-t-il raconté.
Sa conversion se concrétise en 1985. Michel vient d’épouser Geneviève Garnier-Fabre dans une petite église copte orthodoxe de Paris. Le couple se rend à Jérusalem. Et là, au Saint-Sépulcre, devant le tombeau du Christ, le chanteur explique s’être agenouillé et avoir senti Dieu entrer dans sa vie. «C’était très doux. J’ai vraiment ressenti que je revenais vers lui. Comme des épousailles», racontait-t-il.
Après cela, Dieu et lui ne se sont plus quittés. Il expliquait ainsi mener une double vie, l’une artistique, l’autre spirituelle. «Le soir, je suis sur scène, je chante sous les lumières et au milieu des strass; le jour, quand je ne suis pas immergé dans une tournée, dans une écriture d’album ou dans un enregistrement, je cultive mon jardin. Je me plonge dans les écrits des philosophes et des théologiens, je dévore les textes des Pères de l’Église et ceux des Grecs anciens», avait-il écrit.
En «ingrat», il disait parfois engueuler Dieu, mais, le plus souvent, le prier. En résonnance avec l’Année sainte de la miséricorde, célébrée actuellement dans le monde catholique, Michel Delpech disait: «Dieu attend toujours que nous venions à lui. Il n’est pas rancunier. Il nous reçoit même si on le fait patienter».
Il ne se revendiquait cependant d’aucune Eglise en particulier, se déclarant «aussi à l’aise chez les coptes que chez les catholiques». «Je le regrette, mais c’est comme ça. Leurs différences ne sont pas importantes pour moi, estimait-il. Ce qui est important, c’est l’amour (…) Aimer, c’est le vrai, le seul travail (…) Ah, si je pouvais appliquer la maxime de saint Augustin: ‘Aime et fais ce qui te plaît'». (cath.ch-apic/ag/rz)
Raphaël Zbinden
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