«En affranchissant La Liberté des tutelles politiques et religieuses qui pesaient sur elle, en ouvrant ses colonnes à toutes les opinions, il lui a rendu son titre de noblesse, en même temps qu’il en a fait ‘le journal de tous les Fribourgeois'», écrit Serge Gumy, actuel rédacteur en chef du quotidien, dans l’éditorial du jour.
Formé à La Gazette de Lausanne, François Gross avait été dans les années 1990 rédacteur en chef de Radio Suisse internationale à Berne et président de la section suisse de Reporters sans frontières.
Il reviendra à la presse écrite en 1970 comme rédacteur en chef de La Liberté. A cette époque, le quotidien fribourgeois «est encore un journal d’opinion catholique, affidé au parti conservateur catholique ainsi qu’à l’évêché qui nomme et contrôle son rédacteur ecclésiastique», écrit le journaliste Claude Chuard, journaliste à La Liberté de 1972 à 2010, dans son hommage à «celui qui a permis au journal d’être ce qu’il est devenu aujourd’hui».
«L’ancien rédacteur en chef s’est toujours méfié des amitiés incestueuses entre le trône et l’autel.» Patrice Favre
Dans ce contexte, François Gross entend faire de la Liberté «un quotidien d’information de qualité, catholique voire chrétien mais sans lien politique aucun». A son arrivée à la tête du journal cinq ans après la clôture du Concile Vatican II, en 1965, il «opère l’ouverture et la professionnalisation de La Liberté«, explique le Professeur émérite en histoire contemporaine de l’Université de Fribourg, Francis Python, dans les colonnes de La Liberté du jour. Et cela, «non sans réticence les dix premières années».
«Gross réussit à se faire respecter et à donner sa crédibilité au journal. Il intègre l’opinion libérale et socialiste tout en gardant son cap. C’est sa grande œuvre (…) Son excellente connaissance de la doctrine sociale de l’Eglise, sa conscience du poids nouveau des laïcs et son ouverture œcuménique lui ont permis d’exercer un ministère», explique l’historien.
Dans les années 1990, François Gross reprend la rédaction en chef de Radio Suisse internationale à Berne, et devient président de la section suisse de Reporters sans frontières. Journaliste de renom, il a enseigné à l’institut de journalisme de l’Université de Fribourg. Depuis 1996, il devient chroniqueur pour différents médias, dont L’Echo Magazine.
«En juin 2005 paraissait le premier Trait libre de François Gross», écrivait Patrice Favre, rédacteur en chef de l’Echo Magazine, le 10 décembre 2015. Jusqu’en octobre dernier, il «n’a cessé de dénoncer ceux qui puisent dans les bas-fonds racistes de l’âme humaine, le Front National en France ou l’UDC en Suisse. Pour François Gross, ce sont les ‘adeptes d’une idéologie nauséabonde'».
«Ses traits (libres) les plus acérés, il les a décochés contre les banquiers et les puissances de l’argent, poursuit Patrice Favre. Il avait pour le capitalisme financier aujourd’hui triomphant le mépris d’un Emile Zola et les colères de Léon Bloy. Plus d’une fois, dans ces chroniques, il a critiqué les louvoiements d’un parti portant le «C» de chrétien dans son étiquette. Marqué par son enfance catholique à Lausanne, alors cité protestante, l’ancien rédacteur en chef s’est toujours méfié des amitiés incestueuses entre le trône et l’autel et il vomit tous les intégrismes. Mais il apprécie le pape François et a plus d’une fois regretté qu’il soit ‘plus applaudi qu’écouté».
Albert Longchamp se souvient
«En 1989, au moment de la chute du mur de Berlin, il m’avait ’embauché’ comme Professeur d’éthique des médias à l’institut de journalisme de l’Université de Fribourg», se rappelle le jésuite Albert Longchamp. «A travers cette responsabilité, il m’a beaucoup apporté. Cette charge d’enseignement m’a permis de rencontrer de nombreux jeunes journalistes qui travaillent aujourd’hui dans différents médias romands. Pour cela, je lui suis très reconnaissant». (apic/laliberte/pp)
Pierre Pistoletti
Portail catholique suisse
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