Le chef de l’Eglise orthodoxe russe avait renvoyé quelques jours auparavant Sergueï Tchapnine, rédacteur en chef de «La revue du Patriarcat de Moscou», qui était un esprit ouvert et critique. S. Tchapnine dénonçait la dérive de l’Eglise russe, redevenue «une Eglise de l’Empire», avec des pratiques et des institutions ecclésiastiques en conséquence.
«Nous semblons être à l’aube d’une nouvelle époque dans l’histoire orthodoxe russe, qui selon toute vraisemblance sera connue comme ‘néo-impériale'», écrit-il dans «First Things», un journal religieux américain de tendance conservatrice publié par l'»Institute on Religion and Public Life» basé à New York.
Connu pour ses prises de positions contre le «libéralisme occidental» en matière de mœurs, l’archiprêtre Vsevolod Tchapline demandait pour sa part de «choisir entre l’Occident et la Russie, entre l’avenir libre et indépendant de notre peuple ou une situation dans laquelle nous écoutons les cris de Washington, de Bruxelles ou de Wall Street, au lieu des voix de nos concitoyens».
Cette personnalité conservatrice affirmait notamment qu’il y avait la nécessité d’une sérieuse discussion en Russie sur les moyens d’exclure l’homosexualité de la vie publique. L’archiprêtre Vsevolod Tchapline prenait officiellement position contre le mariage de personnes du même sexe. Il estimait que chaque société avait le droit de décider quels péchés doivent être sanctionnés par la morale et lesquels avec la loi.
En septembre dernier, le Père Vsevolod Tchapline avait suscité de sévères critiques de la part de prélats orthodoxes dans le monde – notamment en Syrie et au Liban – en estimant que l’engagement militaire russe en Syrie s’inscrivait dans le cadre d’une «guerre sainte» contre le terrorisme. Le porte-parole de l’Eglise orthodoxe russe relevait que l’intervention russe était conforme au droit international, «à la mentalité de notre peuple et au rôle particulier que notre pays a toujours joué au Moyen-Orient».
Dans une interview accordée le 25 décembre à l’agence de presse russe Interfax, le responsable déchu se montre critique de la façon dont est dirigée l’Eglise russe, dans ses relations avec l’Etat, mais également dans son fonctionnement interne, où certaines décisions sont prises «de manière non systématique», à la hâte, sans consultations des organes synodaux compétents. «Un système qui fonctionne de cette manière est sûr de commettre des erreurs!»
Le Père Tchapline essayait de dire au patriarche Cyrille que «le ton dans les relations avec l’Etat que l’Eglise tend à prendre est faux. Nous devrions être plus critiques concernant les actions immorales et injustes des autorités, nous devrions être plus directs en parlant à la société, nous ne devrions en aucun cas aspirer à des structures qui remettent en question la foi orthodoxe aussi clairement que le fait l’administration actuelle de l’Ukraine». Il estime qu’il ne faudrait pas avoir peur «d’entrer en conflit avec ceux qui ont le pouvoir dans ce monde».
Le nouveau président du Département synodal pour les relations de l’Eglise avec la société et les médias – résultat de la fusion du Département synodal des relations de l’Eglise avec la société avec celui de l’information – est Vladimir Legoïda. Ce dernier dirigeait jusqu’à présent le Département de l’information synodale.
Cette décision a été prise, officiellement, «dans le but d’optimiser le travail et d’en améliorer l’efficacité, ainsi que d’éliminer les processus parallèles dans l’activité des institutions synodales». Une partie des fonctions des institutions mentionnées est transmise au Département des relations ecclésiastiques extérieures et au service de presse du Patriarche de Moscou et de toute la Russie.
Selon un communiqué officiel du Patriarcat de Moscou, le Saint-Synode a déchargé l’archiprêtre Vsevolod Tchapline de sa fonction de président du Département des relations entre l’Eglise et la société, lui exprimant sa reconnaissance pour sa participation, durant de nombreuses années, au dialogue avec les autorités concernant le développement de la législation sur les organisations religieuses, ainsi que pour sa participation aux travaux du Conseil inter-religieux de Russie. Le métropolite Hilarion de Volokolamsk a été pour sa part nommé représentant de l’Eglise auprès du Conseil inter-religieux de Russie.
Pour l’ancien rédacteur en chef de «La revue du Patriarcat de Moscou», en s’engageant à façonner l’identité nationale russe, l’Eglise russe favorise le patriotisme et les valeurs traditionnelles «en coordination avec la propagande du gouvernement». Sergueï Tchapnine relève qu’avec la montée du concept de «Russkiy Mir», le «Monde russe», tant au sein des milieux du pouvoir politique que des milieux ecclésiastiques, l’Eglise russe a pris une signification idéologique complexe au cours de la dernière décennie.
«Cette façon de parler suppose une coexistence fraternelle des peuples slaves – russe, ukrainien, biélorusse – au sein d’une seule ‘civilisation orthodoxe’. C’est un archétype puissant. C’est une image d’unité qui parle aux Russes, parce que cela leur donne un sentiment d’un destin plus grand et appuie la vision impériale qui caractérise de plus en plus la politique russe». Conséquence: ce concept de «Monde russe» répandu au sein de l’Eglise russe aujourd’hui «indique que l’orthodoxie est en train de devenir une religion politique». (cath.ch-apic/interfax/orthodoxie.com/be)
www.firstthings.com/article/2015/11/a-church-of-empire
Jacques Berset
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