Le pasteur de la Light Korean Presbyterian Church, à Toronto, est également accusé de complicité avec les Etats-Unis et la Corée du Sud, dans un complot orchestré contre le régime de Pyongyang, visant à attirer et kidnapper les citoyens nord-coréens, en organisant matériellement leur fuite à l’étranger, par le biais de programmes humanitaires, rapporte l’Associated Press.
Le procureur général avait requis la peine de mort à son encontre, la «punition la plus sévère», selon l’agence officielle nord-coréenne KCNA. D’après la justice du pays communiste, le pasteur de 60 ans a reconnu tous les chefs d’accusations portés contre lui. Il aurait fait preuve, selon l’agence de presse Chine Nouvelle, «d’un repentir profond». Conformément à des procédures spécifiques, les ressortissants étrangers détenus en Corée du Nord qui souhaitent voir leur peine allégée sont contraints de confesser publiquement «leurs crimes», rappelle Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris.
D’origine sud-coréenne, Lim Hyeon-soo, qui vivait au Canada depuis des années, se rendait régulièrement en Corée du Nord pour des voyages humanitaires, où il soutenait financièrement une maison de santé, une crèche et un orphelinat. En janvier 2015, il avait été arrêté par les autorités nord-coréennes, après être entré clandestinement dans le pays, en passant par la Chine.
Selon Lisa Park, porte-parole de la famille du pasteur, Lim Hyeon-soo s’était rendu plus d’une centaine de fois en Corée du Nord depuis 1997, sans rencontrer de difficultés particulières, ses voyages n’étant pas politiques mais simplement humanitaires. Un de ses projets phares visait à aider les Nord-Coréens à devenir autosuffisants sur le plan alimentaire.
Le quotidien canadien Toronto Star rapporte que le Premier ministre canadien récemment élu, Justin Trudeau, s’est dit «terriblement inquiet» du sort de son ressortissant. «La priorité immédiate du gouvernement est de s’assurer que la diplomatie canadienne arrive à entrer en contact avec lui, afin que [Lim Hyeon-soo] puisse faire valoir ses droits, ce qui n’a pas eu lieu durant son procès», a-t-il précisé.
Arrivé menotté et accompagné de deux policiers à la Cour suprême, le procès du pasteur n’aura duré que 90 minutes, sans que la diplomatie canadienne n’ait réussi à entrer en contact avec lui, malgré des demandes répétées, ces derniers mois.
Le pasteur Lim n’est pas le premier missionnaire étranger à être condamné en Corée du Nord. En mai 2014, le pasteur baptiste sud-coréen, Kim Jeong-uk, âgé de 50 ans, avait également été condamné aux travaux forcés à vie, pour «tentative d’établissement d’Eglises clandestines dans le pays, d’espionnage au profit de la Corée du Sud et de divers crimes contre l’Etat». Il purge toujours sa peine.
Les autorités nord-coréennes appliquent en effet des mesures très strictes contre les activités religieuses ou missionnaires non enregistrées officiellement, car seules les activités religieuses entièrement contrôlées par le régime sont tolérées – activités dont on ne sait quasiment rien.
D’autres missionnaires étrangers condamnés ces dernières années ont, en revanche, été libérés, grâce à l’intervention de personnalités politiques. En septembre 2014, l’Américain Matthew Todd avait été condamné à six ans de travaux forcés pour «actes hostiles» envers le régime. Son compatriote Kenneth Bae avait été arrêté en novembre 2012 et condamné à quinze ans de travaux forcés en mai 2013, pour avoir «organisé des activités touristiques visant à renverser le gouvernement». Ces deux ressortissants américains ont pu être libérés en novembre 2014.
Deux autres Américains ont récemment également été inquiétés par la justice nord-coréenne. Jeffrey Fowle a été détenu pendant cinq mois en 2014, avant d’être relâché. En octobre 2013, Merrill Newman, vétéran de la Guerre de Corée, a été fait prisonnier, avant d’être relâché deux mois plus tard.
En mars 2014, John Short, un missionnaire australien âgé, avait passé treize jours en détention pour avoir distribué des tracts religieux à Pyongyang. Il avait été libéré et expulsé après avoir présenté des excuses publiques.
Au vu de ces derniers événements, il est très difficile de faire émerger une ligne directrice dans la manière d’agir des Nord-Coréens, analyse EdA. Est-ce que l’apparent échec des négociations entre Séoul et Pyongyang, le 11 décembre dernier, a joué un rôle dans la décision de la Cour suprême? Des entretiens à un haut niveau ont eu lieu entre les deux pays ennemis, une première depuis 2007, afin d’améliorer les relations, mais les pourparlers n’ont permis aucune avancée significative. Le fait que le condamné soit d’origine sud-coréenne pourrait expliquer la sévérité dont a fait preuve le tribunal.
D’après l’ONG de défense des chrétiens Portes Ouvertes, sur les 300’000 chrétiens nord-coréens estimés, 60’000 seraient derrière les barreaux ou en camps de travail en raison de leur foi. Des chiffres impossibles à recouper de manière indépendante. Selon les statistiques de Pyongyang, 3’000 catholiques «pratiquent librement leur foi», sous la tutelle de l’Association catholique coréenne, entièrement contrôlée par le régime, et en l’absence de tout clergé. Pour les Nations Unies, ils ne seraient que 800.
Le 7 décembre dernier, l’Eglise catholique en Corée du Sud a annoncé que, «sauf imprévus», des prêtres catholiques sud-coréens pourraient aller célébrer la messe à Pyongyang, à partir de l’an prochain. La déclaration faisait suite à la visite d’évêques catholiques sud-coréens qui avaient été invités ès-qualités par le gouvernement nord-coréen, une première dans un pays qui ne compte aucun prêtre catholique. (cath.ch-apic/eda/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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