Ce centre, unique en Amérique du Nord, a pour but de contrer le phénomène du radicalisme violent qui fait peur et soulève beaucoup de questions, déclare Herman Okomba-Deparice sur les ondes de la radio québécoise Radio Ville-Marie.
A la tête de la première entité de ce genre en Amérique du Nord, avec l’aide de 15 employés, Herman Okomba-Deparice tente d’endiguer le phénomène de la radicalisation violente à sa source même. «Nous agissons en amont du processus de radicalisation». Cette mission, le centre situé à Montréal l’accomplit avec l’aide des parents, des forces de l’ordre, des institutions scolaires et des religieux.
«Nous croyons important que tous, y compris les familles des personnes radicalisées, soient impliqués dans le processus de prévention et de déradicalisation», souligne le directeur du Centre de prévention de la radicalisation. Cette collaboration semble porter des fruits car, depuis le mois de mars 2015, le Centre a reçu 500 appels concernant des cas potentiels de radicalisation violente. Huit d’entre eux ont été transférés aux forces de l’ordre.
Sur son site internet, le CPRMV invite le public à signaler, «en toute confidentialité», toute situation à risque impliquant une personne radicalisée ou en voie de l’être. Ce travail de prévention s’amorce par l’adoption d’une définition claire de l’expression radicalisation. Pour le CPRMV, «la radicalisation violente est: l’adoption d’une idéologie dont la logique devient un véritable cadre de vie, d’action et de signification pour un individu; la croyance dans l’utilisation des moyens violents pour faire entendre une cause; la fusion entre l’idéologie et l’action violente».
«Dans l’histoire, nous avons eu des grands personnages, comme Nelson Mandela, Gandhi, Martin Luther King, qui ont adopté des positions radicales. Toutefois, ils n’ont pas utilisé la violence pour parvenir à leurs fins».
Le directeur du CPRMV souligne également que la radicalisation est un phénomène présent autant dans des mouvements politiques, idéologiques que religieux. «Il est présent même au sein de certains groupes environnementalistes».
Le Forum musulman Canada met en garde contre le risque d’amalgame que pourrait engendrer le travail d’un tel organisme, qui risquerait de cibler uniquement les musulmans. «On ne veut pas qu’une seule communauté soit visée par ce centre, on attend des preuves concrètes que la radicalisation religieuse sera traitée comme toute autre forme de radicalisation violente», estime son porte-parole Samah Jebbari.
Mais Herman Okomba-Deparice se veut rassurant. «Dès le départ, on a décidé d’avoir une approche globale, car on savait qu’il y avait un risque d’amalgame. La cible n’est pas l’islam, ni la communauté arabo-musulmane, la cible, c’est ceux qui recrutent et endoctrinent nos jeunes».
«Nous agissons en amont. Nous étudions les différents courants idéologiques. Nous analysons les différentes tendances. Nous surveillons les différents réseaux. Cela nous permet de décider quelles sont nos priorités. Nous sommes très vigilants. Les citoyens nous informent», souligne Herman Okomba-Deparice. «J’ai appris qu’il ne faut pas être alarmiste. Nous ne sommes pas la France. Oui, nous sommes devant un phénomène qui prend de l’ampleur. Cependant, les autorités québécoises et canadiennes ont réagi avec rapidité. Nous ne sommes pas naïfs. Nous sommes attentifs. Nous sommes prêts!», estime-t-il.
Des pistes de solutions sont régulièrement évaluées. Ainsi des spécialistes de la question pensent à mettre sur pied des centres fermés de déradicalisation, comme ceux que le gouvernement français s’apprête à ouvrir ou comme ceux qui existent déjà en Arabie Saoudite. Mais pour le directeur du CPRMV, «lorsque des centres fermés font leur apparition dans certains pays, c’est le signe que quelque chose dans le processus de prévention n’a pas fonctionné. Ces centres sont tout simplement la preuve d’un échec collectif».
Le directeur du Centre de prévention préfère l’éducation des divers intervenants qui gravitent autour des jeunes afin de contrecarrer toute tentative de radicalisation. «Les parents, les professeurs, les religieux et même le médecin du jeune peuvent jouer un rôle positif. Pour cela, nous devons leur donner des outils pour qu’ils puissent intervenir adéquatement». Cela est d’autant plus important que des recruteurs sont à l’œuvre.
«Un jeune peut se radicaliser partout, à l’école, dans les parcs, dans les sous-sols, n’importe où! Dans ces lieux, il peut faire la rencontre de personnes qui vont semer le doute dans son esprit, utilisant un discours populiste qui ne reflète pas la réalité. Ils vont profiter de ses failles psychologiques et de sa quête d’identité pour le pousser vers la radicalisation violente».
Contrairement à une idée largement répandue, Herman Okomba-Deparice estime que les mosquées québécoises ne sont pas les endroits préférés des recruteurs. «Elles sont surveillées par les services de police. Les imams et les fidèles sont très vigilants. Ils ne vont jamais accepter les discours extrémistes», affirme-t-il. Afin d’aider les différents intervenants qui veulent éviter que des jeunes tombent dans le piège de la radicalisation violente, le Centre de prévention a publié sur son site internet le Baromètre des comportements qui se veut «un guide en vue de mieux évaluer les comportements associés au processus de radicalisation menant à la violence». JB
Encadré
Les «loups solitaires», ces terroristes, qui commettent des attentats seuls au nom d’une idéologie, ne se trouvent pas que dans le camp des islamistes. Un document interne du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) montre que les «suprémacistes blancs» — qui croient en la supériorité de la race blanche — et les partisans de l’extrême droite sont plus susceptibles de perpétrer des actes terroristes en solo que les islamistes.
Dans le monde, seulement 15% des attentats perpétrés par des «loups solitaires» sont motivés par l’islam. Au premier rang viennent plutôt les partisans de l’extrême droite et les suprémacistes blancs (comme aux Etats-Unis, le Ku Klux Klan notamment), responsables de 17 % des attentats. Dans les dernières années, le cas le plus médiatisé a été celui d’Anders Breivik, qui a fait 77 morts et 151 blessés en Norvège, en juillet 2011. Suivent le Black Power et l’extrême gauche, les militants antiavortements et les militants des luttes séparatistes. Plus du tiers des attentats commis par des individus isolés ne peuvent être attribués à une motivation idéologique précise. (cath.ch-apic/rvm/proximo/scrs/be)
Jacques Berset
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