«Combien je désire que les années à venir soient comme imprégnées de miséricorde pour aller à la rencontre de chacun en lui offrant la bonté et la tendresse de Dieu», écrit le pape dans le cinquième paragraphe de la bulle Misericordiae Vultus (Le visage de la Miséricorde) pour souligner à quel point ce mystère est l’axe central de son pontificat. Ce document est une leçon de théologie dans laquelle le pape développe le fil de sa pensée, en partant d’une définition de la miséricorde pour aboutir à ses conséquences pratiques pour l’Eglise et les croyants.
«La miséricorde c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites [du] péché», écrit le pape dans une affirmation liminaire qui présidera à toute sa réflexion. C’est également, poursuit-il, »la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie». Ce sont là les deux axes indissociables, divin et humain, qui encadre la réflexion du saint Père. «Dieu ne se lasse jamais d’ouvrir la porte de son cœur pour répéter qu’il nous aime et qu’il veut partager sa vie avec nous». Plus encore, «face à la gravité du péché», il «répond par la plénitude de la miséricorde», peut-on lire dans le troisième paragraphe de la bulle.
«Du cœur de la Trinité, écrit encore le saint Père, du plus profond du mystère de Dieu, jaillit et coule sans cesse le grand fleuve de la miséricorde. Cette source ne sera jamais épuisée pour tous ceux qui s’en approchent. Chaque fois qu’on en aura besoin, on pourra y accéder, parce que la miséricorde de Dieu est sans fin».
Le pape fonde ces affirmations théologiques sur l’Ecriture sainte, qui révèle la «réalité concrète» de la miséricorde »à travers laquelle [Dieu] révèle son amour comme celui d’un père et d’une mère qui se laissent émouvoir au plus profond d’eux mêmes par leur fils». Et cet amour est «rendu visible et tangible dans toute la vie de Jésus. Sa personne n’est rien d’autre qu’amour, un amour qui se donne gratuitement». «Ce qui animait Jésus en toute circonstance n’était rien d’autre que la miséricorde avec laquelle il lisait dans le coeur de ses interlocuteurs et répondait à leur besoin les plus profond», écrit encore François en prenant appui sur l’appel de Matthieu (Mt 9, 9-13), »ce pécheur que Dieu choisit pour devenir l’un des Douze». C’est en commentant cette scène du nouveau testament que saint Bède le Vénérable a écrit: miserando atque eligendo (Jésus le regarda avec miséricorde et le choisit), trois mots qui sont devenus, treize siècles plus tard, la devise du pape actuel.
Au cours de ce Jubilé, l’Eglise sera encore davantage appelée à soigner ces blessures.
Les applications éthiques de la miséricorde retiennent également l’attention du pape. En partant de la parabole du »débiteur sans pitié» (Mt 18, 23-35), il rappelle que »la miséricorde n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. (…) Le pardon des offenses devient l’expression la plus manifeste de l’amour miséricordieux et, pour nous les chrétiens, c’est un impératif auquel nous ne pouvons pas nous soustraire». C’est aussi «le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du coeur». Si la miséricorde est un impératif moral, elle constitue dans le même temps l’identité de l’Eglise. »L’Eglise vit d’une vie authentique lorsqu’elle professe et proclame la Miséricorde», écrit le pape en reprenant les mots de son prédécesseur Jean Paul II dans Dives in Misericordia (1980). L’Eglise, rappelle François, «a pour mission d’annoncer la miséricorde de Dieu, coeur battant de l’Evangile, qu’elle doit faire parvenir au coeur à l’esprit de tous». Pour cela, elle doit elle-même en vivre. Il en va de la «la crédibilité de son annonce».
Une expérience que la communauté chrétienne est appelée à transmettre à «ceux qui vivent dans les périphérie existentielles les plus différentes«, poursuit le pape. «Combien de situations de précarité et de souffrance n’existent-elles pas dans le monde d’aujourd’hui», s’indigne le pape. «Au cours de ce Jubilé, l’Eglise sera encore davantage appelée à soigner ces blessures, à les soulager avec l’huile de la consolation, à les panser avec la miséricorde et à les soigner par la solidarité et l’attention», explique-t-il, répétant que «Les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine».
Pour le Saint-Père, notre temps est celui de la miséricorde. Dans la bulle d’indiction, il reprend à son compte une citation de l’encyclique Dives in Misericordia: »La mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et ôter du coeur humain la notion même de miséricorde. Le mot et l’idée de miséricorde semblent mettre mal à l’aise l’homme qui, grâce à un développement scientifique et technique inconnu jusqu’ici, est devenu maître de la terre qu’il a soumise et dominée (Gn 1, 28). Cette domination de la terre, entendue parfois de façon unilatérale et superficielle, ne laisse pas de place, semble-t-il, à la miséricorde.» Plus de trente ans plus tard, François souligne l’actualité de cette réflexion de son prédécesseur et précise: »Il y a des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’amour du Père». A quelques semaines de la fin du synode sur la famille, au moment où l’Eglise fête les 50 ans du Concile Vatican II, le pape rappelle l’inattendu d’une telle démarche et invite, en définitive à se laisser »surprendre par Dieu». (cath.ch-apic/pp)
Pierre Pistoletti
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