Dans une tribune du quotidien national «La Repubblica», le 2 décembre 2015, intitulée le «scandale du procès des journalistes au Vatican», un éditorialiste n’hésitait pas à écrire que «l’Eglise de François (…) risque de légitimer l’obscurité du droit médiéval, un engrenage inquisitoire». Il est étrange «que le pape veuille punir les journalistes qui ont révélé au monde la vie de nabab de ces cardinaux qu’il dénonce comme des ›pharaons’», ajoute le quotidien. La fédération des journalistes italiens et l’association de la presse étrangère en Italie ont aussi publiquement fait part de leur inquiétude face à ce procès.
D’abord silencieuse, une partie de la classe politique italienne a elle aussi fini par s’emparer du débat. Fin novembre, 103 députés de tous bords ont ainsi signé un appel en faveur des deux journalistes, demandant que leur «droits de défense» soient «pleinement reconnus», et estimant qu’un «principe fondamental de liberté» était «remis en cause». Au premier jour du procès, la justice vaticane a cependant assuré que la liberté de la presse n’était pas en cause, mais seulement la façon dont avaient été obtenus les documents confidentiels.
Un député conservateur a même assuré que le procès violait la Constitution italienne et remettait en cause les traités internationaux souscrits par l’Italie et le Saint-Siège. Le quotidien britannique «The Guardian» a alors évoqué un possible «clash diplomatique» entre l’Italie et le Saint-Siège sur cette question. Mais le gouvernement de Matteo Renzi reste d’une extrême prudence. Le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, a seulement fait savoir que, le Saint-Siège et l’Italie ayant chacun leur propre droit pénal, «les règles du droit international» pourraient être sollicitées.
Mais de quoi sont accusés, au juste, ces journalistes? Ni de diffamation, ni de recel (détenir ou transmettre une chose issue d’un délit, comme un vol), ces délits n’étant pas prévus au Vatican. Les délits reprochés aux prévenus sont inscrits dans une loi datant de 2013, créée après le premier scandale Vatileaks sous Benoît XVI, sur le fait de divulguer des informations confidentielles du petit Etat. Contrairement aux autres prévenus, les journalistes sont pourtant accusés d’un délit plus particulier: avoir exercé des «pressions», en particulier sur Mgr Vallejo Balda, membre de la commission pontificale sur les finances du Saint-Siège (COSEA), «pour obtenir des documents et informations confidentiels, qu’ils ont ensuite en partie utilisés pour la rédaction de deux livres publiés en Italie en novembre 2015».
«En Italie aussi», rappelle Cesare Mirabelli, expert en droit ecclésiastique et constitutionnaliste, sur le site italien «IlSussidario.Net», «si je participe à une action délictueuse pour me procurer des documents (…) je serai puni parce que j’aurai soustrait ces documents illégalement, et non pour avoir utilisé la liberté de la presse». Dans l’avion qui le ramenait de Centrafrique à Rome, le 30 novembre dernier, le pape a donné des réponses en demi-teinte, semblant à la fois condamner la divulgation de ces informations et s’en féliciter. Ainsi, si le fait de dénoncer des corruptions est «un beau travail», a-t-il assuré, il ne faut pas «manipuler les informations», tomber dans «la désinformation» ou la «diffamation».
Puis, revenant sur le choix de Mgr Vallejo Balda et de Francesca Chaouqui (autres prévenus jugés pour avoir divulgué des informations confidentielles), le pape a assuré que cela n’avait «pas été une surprise» et ne l’avait pas «empêché de dormir, parce qu’ils ont montré le travail que nous avions commencé (…) avec le C9, pour rechercher la corruption». (cath.ch-apic/imedia/bl/rz)
Raphaël Zbinden
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