Ethique et évangélisation à Saint-Maurice

A Saint-Maurice, les rencontres Dorothée et Nicolas de Flue ont rencontré un vif succès. Après la soirée inaugurale du 27 novembre, les intervenants ont témoigné avec conviction, devant 400 personnes, de leur engagement, notamment dans les parcours d’évangélisation Alpha. Retour sur la matinée du 29 novembre, avec Florence et Marc de Leyritz et François-Xavier Putallaz.

Les de Leyritz sont venus à Saint-Maurice avec leurs cinq enfants. Devant une assistance de près de 400 personnes, ils ont témoigné, le matin du dimanche 29 novembre, dans la salle de spectacle du Collège, de leur engagement au sein des parcours Alpha (Alphalife en Suisse). «C’est facile, vous invitez une personne et elle redécouvre le Christ, a résumé Florence de Leyritz. Et que de guérisons physiques, psychiques, spirituelles au niveau des personnes, des couples…». Marc et Florence de Leyritz sont responsables des parcours Alpha pour l’Eglise catholique, au niveau mondial. Un engagement conséquent, puisque 30 millions de personnes ont déjà suivi un parcours Alpha dans le monde.

Florence, vive et alerte, décrit son cheminement humain et spirituel. Issue d’un milieu éloigné de la foi, elle se convertit à Paris, à quatre heures du matin, en entrant par hasard dans une église: «Un tremblement de terre personnel, comme un tsunami de la tendresse de Dieu (…) Et j’ai épousé le premier chrétien que j’ai rencontré», confie-t-elle avec humour.

«Un sandwich au jambon»

Son mari Marc décrit lui aussi les deux moments forts de sa conversion. D’abord, en 1980, à l’âge de 19 ans. Après un séjour à l’Abbaye de Solesmes, lors du retour en car, il mange «un sandwich au jambon»: «le visage du Christ m’est apparu comme une image intérieure». Puis en 1997, un week-end Alpha: la phrase de l’apôtre Paul «Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile» lui apparaît, fulgurante. Deux moments moteurs. «En acceptant de devenir canal, on est les premiers à revivre», confie Marc, ancien banquier et actuel dirigeant d’entreprise.

Il livre sa recette, calquée sur l’alphabet: A comme adoration, B comme belle communauté (»Un chrétien ne peut pas vivre seul»), C comme charité, D comme disciple et E comme évangélisation. «Nos communautés se meurent de ne pas se risquer à l’évangélisation, plaide Marc de Leyritz, d’où le vide spirituel absolu de nos sociétés. Je ne connais personne qui ait refusé que je prie pour lui ou pour elle».

«Car même indignes et imparfaits, nous pouvons devenir les canaux de la grâce de Dieu», attestent Marc et Florence dont «la vie, rigoureusement la même et rigoureusement identique, continue de se transformer». Et le couple de raconter combien la rencontre d’une jeune Rom a changé leur quotidien: ils accueillent chez eux, depuis quelques semaines, une douzaine de Roms issus d’un bidonville de la région parisienne.

Les dérives de l’éthique

Autre tonalité pour le professeur de philosophie et éthicien François-Xavier Putallaz. Il a évoqué, avant le couple dirigeant d’Alpha, le déséquilibre qui frappe l’éthique. Avec, à l’appui de sa brillante démonstration, le cas du suicide assisté si médiatisé dans notre pays. Un Suisse sur 50 est membre d’une association d’aide au suicide, a indiqué le professeur. Et en 2014, les personnes y recourant pour le geste ultime ont dépassé le millier (contre 188 en 2003).

Pour qualifier un acte de bon ou de mauvais, il est mesuré par rapport à son objectivité, à son intention, aux circonstances et à ses conséquences. Or la disparition de l’objectivité confère aux autres dimensions un rôle démesuré. Premier déséquilibre, le relativisme, forme de nouveau dogmatisme, a pris le pas sur l’intention comme organe suprême de décision du bien et du mal. Il suffit d’être sincère, d’avoir une intention droite pour que l’acte soit jugé bon. Dans le domaine de la fin de vie, cela implique que chacun est libre de choisir sa mort. «Dans ce cas, ironise le professeur Putallaz, une personne bien portante devrait pouvoir faire appel au service d’aide au suicide comme une personne malade…». D’où la difficulté de fixer les conditions objectives d’aide au suicide, indique le philosophe, en mettant en regard les différentes instances au niveau suisse (Académie suisse des sciences médicales, l’ASSM, Exit, etc.) qui ont toutes des catégorisations différentes de personnes «aptes» à faire appel à l’aide au suicide.

«La vraie éthique»

Deuxième déséquilibre, les circonstances sont hypertrophiées: «Chaque patient a le droit de disposer de sa personne», indique l’ASSM. Or dans le refus de prolongation des soins, lorsque l’issue fatale est claire, la maladie va tuer la personne: la décision de stopper les soins peut être qualifiée de bonne. Au contraire, dans l’euthanasie active, une personne va administrer la mort.

Troisième déséquilibre, l’utilitarisme, conséquence de l’absence d’intention, a pris un poids démesuré lui aussi. On banalise la mort, étant donné que l’aide au suicide contredit la logique des soins palliatifs. Le philosophe plaide pour que réapparaisse l’objectivité d’un acte, bon ou mauvais. Avant de conclure, avec le recul: «C’est au chevet des personnes en fin de vie que se joue la vraie éthique». Au cœur de la vie et de la mort.

A l’issue des deux présentations matinales, point de place pour les questions de l’assistance. Nicolas Buttet, responsable d’Eucharistein, a résumé l’impression du public: «Après ces témoignages, je vous invite à l’eucharistie». Témoignage et prière: tels sont les objectifs des rencontres Dorothée et Nicolas de Flue, dont le succès ne se dément pas. Des jeunes étaient venus spécialement de France et de Belgique. Un déplacement kilométrique et une invitation renouvelée au voyage spirituel. (cath.ch-apic/bl)

Bernard Litzler

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