«J’ai vu de mes propres yeux les conséquences dévastatrices du changement climatique», lance Lotifa Begum, musulmane d’origine bangladaise et coordinatrice de campagne de l’ONG britannique «Islamic Relief Worldwide». «Au Bangladesh, les inondations causées par le cyclone Aila ont fait de nombreux morts en 2009. Certains ont perdu leurs parents, leurs enfants ou leur maison a été emportée», explique la jeune Londonienne qui a porté jusqu’à Paris la «torche verte». Tel un flambeau olympique, cette torche fonctionnant à l’énergie solaire est passée par de nombreuses mosquées et écoles du Royaume-Uni pour diffuser «les enseignements de l’islam sur l’environnement» et inciter chacun à «s’engager pour changer son mode de vie afin qu’il soit plus écologique et durable».
Hindou Oumarou Ibrahim est venue du Tchad pour représenter la communauté des peuls mbororo, des éleveurs nomades «dont la survie dépend des décisions qui seront prises à Paris», souligne-t-elle sous les arcades froides mais majestueuses de la basilique Saint-Denis. «Par le passé, nous avions de 3 à 9 mois de saison des pluies, maintenant il ne pleut qu’entre 2 à 6 mois». Le réchauffement climatique est responsable de l’insécurité alimentaire et de nombreux décès dans sa communauté, dit-elle. Durant toute la COP21, elle entend donc faire pression sur les négociateurs, réunis à Paris du 30 novembre au 11 décembre, pour qu’ils adoptent un accord contraignant, accompagné de mécanismes de contrôle.
«Les Etats doivent s’engager à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais aussi à débloquer de vrais financements pour aider les populations affectées à s’adapter aux conséquences du changement climatique», martèle-t-elle.
A Saint-Denis, les pèlerins du climat et représentants religieux ont ensuite remis à la diplomate costaricaine Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, ainsi qu’à Nicolas Hulot, envoyé spécial de la Présidence française pour la protection de la planète, une pétition mondiale signée par près d’1,8 million de personnes. L’objectif est le même: que les pays riches aident les pays pauvres à faire face à la crise climatique.
«Ceux qui sont le moins responsables du réchauffement climatique sont les plus affectés», a rappelé l’évêque protestant Heinrich Bedford-Strohm, tandis que le cardinal catholique brésilien Claudio Hummes lançait sur scène: «Le temps est compté. Prions et agissons pour la justice climatique!»
Comme le Saint-Père l’a indiqué dans son encyclique ‘Laudato Si’, «la cause profonde de cette crise climatique est le système économique mondial, qui cherche surtout le profit, peu importe le prix», a également confié à cath.ch ce grand ami du pape François et président de la Commission épiscopale pour l’Amazonie.
Un constat partagé par Nicolas Hulot. Il faut «revisiter ce modèle économique qui épuise nos ressources et creuse les inégalités» et «Paris doit être le démarrage de l’action», a insisté l’envoyé spécial du président François Hollande.
Face à lui, environ 200 pèlerins représentaient les milliers qui ont marché ou pédalé depuis la Norvège, l’Allemagne ou encore les Philippines pour montrer leur mobilisation. «Nous sommes là pour faire la différence, pour porter la pyramide du mouvement pour le climat», sourit Clare Druett, une Britannique amatrice de préservation des espèces, venue à Paris à vélo. Et celui qui a mené le pèlerinage depuis les Philippines, Yeb Sano, d’ajouter: «les générations futures nous jugeront sur ce que nous aurons réussi ou pas».
«Je me réjouis que vous ayez fait prendre conscience que la crise climatique est aussi une crise culturelle et spirituelle, a d’autre part lancé Nicolas Hulot tandis qu’il promettait qu’une délégation de pèlerins et religieux serait reçue par le président François Hollande et remerciait l’assistance d’avoir «marché pour les Français par procuration».
La Marche pour le climat, à l’origine également prévu ce dimanche à Paris, a été interdite par les autorités françaises après les sanglants attentats du 13 novembre.
Encadré
Marche globale pour le climat: la Suisse a montré du cœur
Plus de 10’000 personnes sont descendues dans la rue pour le climat, en Suisse, le 28 novembre, dont 5’000 à Genève. Cette journée d’action se poursuit jusqu’au dimanche 29 novembre, notamment à Lugano, Neuchâtel, Fribourg, Sierre, et Lausanne, mais aussi à Washington, au Cap, à Rio ou à Tokyo. Dans le monde entier, des millions de personnes se sont mobilisées pour le climat.
La Suisse n’avait jamais rien vu de pareil, assure un communiqué de l’Alliance climatique, qui réunit 60 organisations actives dans la protection de l’environnement, la coopération au développement, les Eglises, la politique et l’économie. Dans tout le pays, la population est descendue dans la rue, participant aux manifestations à Zurich, Berne, Saint-Gall, Lucerne, Genève et ailleurs.
Plus de 2’300 évènements sont prévus dans le monde entier. En effet, la population a demandé, en ce week-end marquant le début de la COP21, que la classe politique fasse enfin avancer la question de la protection climatique. Malgré un temps froid et humide, plus de 10’000 participants ont déjà pris part aux événements organisés par l’Alliance climatique en Suisse. «Il s’agit d’un signe clair que nous envoyons à Paris, qui indique que les changements climatiques et donc notre avenir ne nous laissent pas indifférents», affirme Patrick Hofstetter, coordinateur de l’Alliance climatique. «Avec un temps pareil, chaque participant est un succès. Nous sommes fiers de cette présence suisse à la journée d’action mondiale pour le climat».
«Parce que j’aime»
Les manifestations organisées en Suisse sont placées sous la bannière «Parce que j’aime». Armés d’un cœur, les participants ont pu montrer pourquoi ils luttaient contre les changements climatiques. Ces derniers menacent en effet notre base existentielle et, dans la foulée, tout ce que nous aimons.
A Genève, de nombreux groupes ont marché pour le climat. Au total, 5’000 personnes ont pris part à la manifestation organisée par la Coalition climat 21 Suisse romande dans la Cité de Calvin. Il s’agit de la manifestation qui attiré le plus de monde en Suisse.
«Les entreprises actives dans le gaz, le charbon et le pétrole, ont déjà trois fois plus de réserves d’énergies fossiles dans leurs livres de comptabilité que ce que l’atmosphère peut absorber sans dépasser le seuil critique de 2 degrés de réchauffement, qui est déjà gigantesque», déclarait Susanna Jourdan, directrice de la «Revue Durable», dans son discours. Pendant la marche, les manifestants chantaient: «On veut du durable, Du renouvelable, Plus de justice et de paix(…)». A Zurich, 2’000 personnes ont formé le plus grand cœur de Suisse. A Berne, 2’000 personnes ont chanté à tue-tête la chanson pour le climat de Karsumpu. A Saint-Gall, les cœurs ont également été récoltés toute la journée en musique, plus de 1’000 au total. La journée d’action pour le climat atteindra aussi le Tessin demain, avec la manifestation de Lugano et d’autres villes de Suisse romande comme Fribourg, Sierre, Neuchâtel et Lausanne.
Tout autour de la planète, des millions de personnes participeront aux marches et aux autres événements organisés pour le climat. (cath.ch-apic/lg/com/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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