Syrie : Mgr Paglia salue la résistance «héroïque» de nombreux chrétiens

Rome, 23.11.2015 (cath.ch-apic) En Syrie, beaucoup de chrétiens résistent «de manière héroïque», affirme le président du Conseil pontifical pour la famille, après sa visite dans le pays, les 14 et 15 novembre 2015. Déplorant la «folie» d’une guerre qui a déjà tué plus de 250 000 personnes, Mgr Vincenzo Paglia confie à I.MEDIA le bouleversement des chrétiens syriens après les attentats de Paris.

L’archevêque italien appelle à un «déclic politique qui permette d’imposer la paix» car, insiste-t-il, «la priorité absolue est d’arrêter la guerre». Afin de vaincre Daech (acronyme du nom du groupe terroriste Etat islamique), Mgr Paglia plaide pour l’unité des divers acteurs impliqués.

Quelle situation avez-vous trouvé en Syrie?

La situation est dramatique… dramatique évidemment dans les zones de guerre, terrible dans les zones où Daech est présent, mais aussi à Damas, qui n’est pas dans le cœur du conflit. J’ai vu une famille en périphérie de Damas où les parents, il y a quelques mois, ont perdu leurs deux seuls enfants parce qu’ils étaient en train de jouer sur une petite terrasse d’un mètre sur deux, et un mortier les a détruits, tués. Et cela à Damas ! C’est un peuple qui vit éprouvé par le risque d’un effondrement, avec presque cinq ans de guerre et d’embargo, et au moins 12 millions de personnes ayant quitté leur maison. Au moins trois millions de familles. Et parmi ces 12 millions, quatre millions ont fui hors du pays. Aujourd’hui, deux millions et demi d’enfants ne vont pas à l’école. Les jeunes fuient aussi… L’économie est désastreuse, la classe moyenne abandonne le pays. Plus de 250 000 personnes sont déjà mortes dans cette guerre, parmi lesquelles plus de 10 000 enfants. Une folie.

Et qu’en est-il de la situation des chrétiens?

Dans ce contexte, les chrétiens vivent le drame dans le drame: ils n’ont aucun type de représentation, et ils risquent d’être encore plus affaiblis. Nous avons rencontré un groupe de quelque 80 laïcs chrétiens de diverses confessions, et nous avons discuté de la situation. Ils ont la ferme volonté d’apporter la contribution du christianisme, convaincus que sans cela la Syrie n›est plus la même. Aujourd’hui, la priorité absolue est d’arrêter la guerre. On peut dire que la conviction commune de tous devrait être d’imposer la paix. C’est la condition d’un avenir possible.

Vous avez remis aux familles de Damas des exemplaires en arabe de l’Evangile de Luc, que le pape François avait offert à des familles des cinq continents lors de la Rencontre mondiale des familles de Philadelphie.

Comment les chrétiens ont vécu cette nouvelle attention du Vatican?

Ils ont été consolés par la présence physique d’un envoyé du Saint-Siège. Ils ont senti concrètement qu’ils ne sont pas oubliés. Ils ont exprimé leur gratitude pour le pape, pour ce qu’il a fait pour la Syrie. Ils ont une confiance illimitée en lui. Cela touche et fait de la peine de voir le samedi soir, au Mémorial de saint Paul, sept femmes âgées, dans l’obscurité – car à Damas très souvent l’électricité est coupée – qui prient dans un océan musulman, dans un conflit infini, avec des mortiers qui tombent à l’improviste, sans aucune règle.

Comment vivent les rescapés de ces tirs sauvages?

Je suis allé dans un hôpital visiter deux enfants. L’un a été touché sur le chemin de l’école il y a deux mois, et l’autre, une petite fille, a été touchée à l’œil par un éclat. Cette enfant, Jessica, qui est en train de perdre son œil, m’a écrit une carte à apporter au pape, dont voici un extrait: «Je veux juste vous dire que malgré tout je n’ai pas perdu ma foi. Je veux vous affirmer que j’ai pardonné à tous ceux qui m’ont fait du mal». Des enfants comme cela sauvent la Syrie. Beaucoup de chrétiens résistent de manière héroïque, fidèles au Seigneur et aussi à leur patrie.

Quelles ont été les répercussions des attentats de Paris sur la population syrienne?

Nous sommes arrivés à Beyrouth (Liban, ndlr) au lendemain de l’attentat «oublié», dont personne ne parle. Le matin suivant, nous sommes partis pour Damas, et Paris venait de vivre cette attaque indicible. Durant la rencontre avec les chrétiens, nous avons prié pour ce qui est arrivé. Les chrétiens étaient bouleversés par la tragédie qui s’est abattue sur Paris, également parce que le français est presque la seconde langue à Damas. Ils se sont donc sentis aussi impliqués dans cet événement dramatique. Il y a eu une solidarité chrétienne, mais il est clair que les événements de Paris soulignent avec force le caractère indispensable d’imposer la paix. La volonté que Daech soit vaincu était évidente, claire pour tous. Mais cette clarté exige l’unité de tous les autres, pour pouvoir vaincre Daech. D’une certaine façon, ils doivent faire ›reculer’ un peu les diversités, pour faire émerger une unité.

C’est la troisième guerre mondiale en morceaux, comme dit le pape François?

Dans un certain sens, la guerre en Syrie est une sorte de premier chapitre de la troisième guerre mondiale en morceaux. Nous ne pouvons pas dire que la guerre en Syrie est mondiale, mais que c’est une guerre internationale, oui. Voilà pourquoi il est urgent qu’il y ait un déclic politique. (apic/imedia/ak/gr)

Grégory Roth

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