Franchement, comment on fait pour résister au désespoir qui guette bon nombre d’entre nous cette semaine? Cette espèce de lassitude face à un monde qui s’embrase et devant lequel on se sent si impuissants.
Je scrute le ciel bleu de Paris, qui doit bien être le même aux Plans-sur-Bex et à Yola, qui s’en fout de nos guerres et de nos paix, et qui continue d’afficher son bleu provocateur, tout comme je vais continuer à vivre…
Continuer à vivre, d’abord dans ce sursaut d’emportement, qui me prend quand je vois l’odieux communiqué de l’UDC valaisan, utilisant les attentats de Paris pour essayer de refourguer son initiative contre le voile à l’école. Non, ce n’est pas comme ça que se construira la paix, pourtant si urgente!
Continuer à vivre, et dire ensuite aux pessimistes qui clament, qu’il ne faut pas trop s’étonner de ce qui arrive, puisque la France est bien mal en point, et n’a plus grand-chose à offrir aujourd’hui. Ou encore à ceux qui prônent le repli, qu’ils feraient mieux de lire le magnifique «Boussole» de Mathias Énard, qui vient d’obtenir le prix Goncourt. Ils auront déjà la preuve que rien que notre littérature a encore de beaux jours devant elle. Mais surtout, écouter le grand Énard ne peut que faire du bien à tous, lorsqu’il propose «de nous défaire de cette idée absurde de l’altérité absolue de l’islam» et de trouver «une nouvelle vision [de l’Orient et de l’Occident] qui inclut l’autre en soi. Des deux côtés». Ce n’est pas un ambitieux programme à la hauteur de notre belle France de 2015 ça?
Continuer à vivre enfin, avec ces mots d’Emmanuel Mounier en tête, qui me sortent définitivement de ma torpeur: «une philosophie pour qui existent des valeurs absolues est tentée d’attendre, pour agir, des causes parfaites et des moyens irréprochables. Autant renoncer à agir. L’Absolu n’est pas de ce monde et n’est pas commensurable à ce monde. Nous ne nous engageons jamais que dans des combats discutables sur des causes imparfaites. Refuser pour autant l’engagement, c’est refuser la condition humaine».
Je crois, en effet, que c’est par notre engagement que nous témoignerons de notre espérance. Notre engagement pour le plus pauvre à côté de nous, pour cet ami en détresse, pour nos sœurs voilées, pour une fleur qui nous est confiée, pour un livre qu’on peine à terminer. Autant d’aspects de notre vie, les détails qui nous façonnent, les grandes causes qui nous meuvent, tous demandent notre plein engagement. Cet engagement qui rend le monde un peu meilleur, qui nous rend un peu meilleurs. Celui qui nous sort de nous-mêmes, pour accueillir ce qui est autre, seul chemin vers la paix.
Marie Larivé | 20.11.2015
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