Depuis 2011, avec l’arrivée des premiers Iraniens, ce sont les réfugiés venus des pays musulmans qui forment la masse de ses 900 paroissiens, dont presque 700 sont d’origine afghane ou iranienne, selon l’hebdomadaire protestant français «Réforme».
Alors que la guerre ravage la Syrie et l’Irak, les réfugiés fuyant un Moyen-Orient en feu continuent d’arriver en masse en Europe, de préférence avec l’Allemagne pour destination. Ce pays abrite désormais le plus grand nombre de réfugiés du continent, issus essentiellement de communautés musulmanes. Pour le pasteur Martens, l’arrivée de ces réfugiés dans sa paroisse est une «bénédiction», car sans eux, sa paroisse aurait dû certainement fermer ses portes, faute de fidèles.
La conversion de réfugiés musulmans au christianisme ne date pas d’aujourd’hui, relève le quotidien libanais francophone «L’Orient-Le Jour». En effet, parmi les membres de l’Eglise évangélique luthérienne indépendante de la Trinité, certains s’étaient déjà convertis au christianisme avant d’arriver en Allemagne. Ils ont souvent fui un régime où est appliquée la charia, la loi islamique.
C’est le cas de Sohail, un Irakien de 35 ans, qui a quitté son pays natal à cause des persécutions dues à sa conversion. «Je me suis converti au christianisme car je me posais beaucoup de questions, et parce que l’islam n’autorise pas de remettre en doute Dieu et la religion. Avec le protestantisme, j’ai pu m’interroger et j’ai trouvé mes réponses. J’aimerais aujourd’hui travailler comme missionnaire et diffuser cette religion dans mon pays», confie-t-il au quotidien libanais.
Si certains connaissaient déjà le christianisme dans leur pays ou avaient une pratique clandestine, d’autres ont décidé de se convertir dès leur arrivée en Allemagne. «Ils ont découvert une autre foi, qui leur semblait plus adaptée à leurs attentes, à l’aune notamment de l’expérience qu’ils ont vécue dans leur pays d’origine».
C’est le cas de Silas, un ancien militant kurde iranien de 25 ans, qui a fui l’Iran où il était menacé par les autorités de ce pays dominé par un puissant clergé chiite. Il vit désormais à l’église de la Trinité où il a été baptisé, en attendant de recevoir l’asile qu’on lui a refusé en Norvège. «Quand je suis arrivé en Allemagne, je vivais dans un camp, puis un ami m’a parlé de cette église qui accueillait des réfugiés. J’ai alors eu une révélation à travers la foi chrétienne. Pour moi, qui étais sunnite, je découvrais une nouvelle religion qui m’apportait les réponses que l’islam ne me donnait pas», raconte-t-il.
Le pasteur Martens relève qu’un grand nombre d’entre eux pratiquaient déjà la religion chrétienne dans leur pays sans pouvoir être baptisés, et sous la haute surveillance des services secrets, ce qui les a amenés à fuir.
«D’autres ont été traumatisés par la charia et ont lié l’islam à la peur, à la guerre et à l’oppression. Soudainement, ils découvrent ce Dieu de l’amour et du pardon, ce qui est radicalement opposé à ce qu’ils ont vécu».
Certains détracteur des conversions de ces nouveaux réfugiés estiment qu’elles sont motivées presque exclusivement par l’espoir d’obtenir l’asile en contrepartie, «surtout que l’apostasie est passible de la peine de mort dans certains pays musulmans».
Mais le pasteur Martens assure qu’il est exigeant pour les candidats au baptême. «Tous nos membres doivent suivre trois mois de catéchisme, à la suite desquels ils sont soumis à un entretien. Je suis particulièrement vigilant sur les motivations derrière la volonté de conversion, et j’applique même des critères plus rigoureux que ceux imposés aux citoyens allemands, afin de montrer aux services de l’immigration qu’il s’agit de quelque chose que nous prenons très au sérieux. La preuve: 90% des baptisés continuent d’assister aux messes après leur conversion, seuls 10% ne viennent plus à l’église par la suite».
Les nouveaux convertis affirment d’une façon catégorique qu’ils ont franchi le pas «pour trouver des réponses que l’islam n’apporte pas». Le pasteur Martens souligne que le Bureau fédéral pour la migration et les réfugiés octroie le droit d’asile quand une conversion expose le requérant d’asile à des persécutions dans son pays d’origine.
C’est le cas de beaucoup de pays soumis à la loi islamique, notamment en Iran ou en Afghanistan. Contrairement à la Norvège qui ne considère pas la pratique de la religion chrétienne en Iran comme un danger, l’Allemagne reconnaît le droit des convertis à l’asile. «Mais les preuves demandées sont importantes et le certificat de baptême n’est pas le seul à faire foi, des tests sur les réelles motivations étant imposés».
«Réforme» note que le cas de la paroisse du pasteur Martens est plutôt singulier. Ainsi, note Andreas Goetze, responsable du dialogue interreligieux de l’Eglise protestante de Berlin et de sa région (EKBO), la conversion des réfugiés n’est pas un phénomène de masse en Allemagne. Ce sont surtout des Iraniens et des Afghans chiites qui se tournent vers le christianisme, car il y a, selon lui, des affinités entre la pensée chiite et la théologie chrétienne, notamment la notion de souffrance.
La montée en puissance des mouvements et partis d’extrême-droite dans plusieurs pays d’Europe, tels que l’Allemagne, la Suède ou la Pologne, ainsi que la volonté affichée de protéger les chrétiens d’Orient en France, pourraient répandre l’idée que devenir chrétien promet, si ce n’est l’asile, au moins une intégration plus facile, écrit «L’Orient-Le Jour».
D’après l’ONG protestante «Portes ouvertes», un «réveil chrétien» s’est produit en Iran suite à l’instauration de la République islamique en 1979, faisant passer le nombre de chrétiens anciennement de confession musulmane de 400, il y a 40 ans, à quelque 370’000 aujourd’hui.
«Ces conversions massives concerneraient surtout la communauté protestante non traditionnelle, à travers des programmes télévisés chrétiens iraniens, diffusés par satellite. Ces conversions sont aussi le résultat d’un désenchantement des Iraniens face au pouvoir en place, d’une situation économique et sociale difficile, ainsi que de leur méfiance vis-à-vis de leurs autorités, notamment après la répression sévère qui a suivi l’élection controversée de Mahmoud Ahmadinejad en 2009». (apic/orj/ref/be)
Jacques Berset
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