«Ce qui m’a le plus frappée chez ces cardinaux, ces évêques et ces prêtres, écrit sans détour Lucetta Scaraffia, était leur parfaite ignorance de la gent féminine, leur peu de savoir-faire à l’égard de ces femmes tenues pour inférieures, comme les sœurs, qui généralement leur servaient de domestiques. Pas tous évidemment – j’avais noué, avant même le synode, des liens d’amitié avec certains d’entre eux».
Mais la responsable du supplément féminin Donne Chiesa Mondo de L’Osservatore Romano a eu la sensation que sa présence n’était que tolérée. «Je n’avais pas le droit d’intervenir, regrette-t-elle, sinon à la fin, comme on le concédait aux auditeurs, et il ne m’était pas non plus permis de voter (…) Il m’était interdit de proposer des modifications au texte soumis au débat. (…) Bref, tout contribuait à ce que je me sente inexistante».
«Chacune de mes interventions tombait à plat», confie-t-elle encore. Elle raconte avoir voulu expliquer que, selon elle, Jésus parlait de ›répudiation’ et non pas de ›divorce’. Pour elle, l’indissolubilité défendue par Jésus signifie donc «accorder une protection aux plus faibles de la famille: les femmes». Peu importe, la journaliste a eu l’impression de parler «dans le vide», et elle déplore que les femmes soient restées «quasi invisibles». «Je souffre encore plus de l’exclusion injuste que subissent les femmes d’une réflexion qui, en principe, porte sur le rapport de l’humanité dans son ensemble, et donc des hommes et des femmes, avec Dieu», écrit-elle.
Concernant les débats, Lucetta Scaraffia déplore aussi le «langage autoréférentiel» qu’utiliseraient nombre de pères synodaux. Elle cite ainsi le mot «affectivité», souvent employé au lieu de «sexualité». Elle s’étonne encore que beaucoup soient convaincus qu’il suffit de bons cours de préparation au mariage pour surmonter toutes les difficultés. Enfin, concernant l’indissolubilité du mariage, l’historienne estime que les catholiques se retrouvent souvent abandonnés et dans l’impossibilité de se remarier. «Dans la majorité des cas, estime-t-elle, il s’agit de situations qui pénalisent les femmes».
Deux jours plus tôt, dans le quotidien italien Il Messaggero, Lucetta Scaraffia établissait le même constat, mais avec un peu plus de prudence: «Par chance, (…) nous avons été écoutées, certaines choses de ce que nous avons dit sont finalement passées dans le document final (…) Mais on ne peut considérer cela comme un apport suffisant, écrivait-elle. Le problème de la famille pourra être sérieusement affronté, (…) seulement quand les femmes seront écoutées». D’autant plus que ces femmes, selon elles, sont le «cœur de la vie familiale mais aussi, ces dernières décennies, la cause de la crise que la famille est en train de vivre». (apic/imedia/bl/rz)
Raphaël Zbinden
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