«L’agressivité contre l’Eglise orthodoxe russe» manifestée par l’archevêque majeur de l’EGCU, Mgr Sviatoslav Chevtchouk, et les «attaques contre l’Eglise orthodoxe ukrainienne canonique» (EOU), sont au cœur du problème, selon Moscou.
Présidé par le métropolite Hilarion de Volokolamsk, le Département des relations ecclésiastiques extérieures du patriarcat de Moscou (DREE) s’en prend au chef de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne (EGCU). Dans un communiqué publié le 23 octobre 2015, il proteste «vigoureusement» contre les récentes déclarations de Mgr Sviatoslav Chevtchouk faites à l’agence de presse catholique autrichienne «Kathpress», qu’il qualifie de «calomnie». Il dénonce «toute rhétorique visant à enflammer la haine entre nations et entre confessions» et déplore le «nationalisme étroit» de Mgr Chevtchouk.
Le DREE relève qu’à l’instar de tant d’autres interventions de l’archevêque majeur Sviatoslav Chevtchouk, cette interview se distingue «par une évaluation politisée de la tragédie qui se déroule actuellement en Ukraine, et par ses outrages à l’adresse du patriarche de Moscou et de toute la Russie».
«A une époque où orthodoxes et catholiques s’efforcent à différents niveaux d’ajuster leur dialogue, les déclarations du chef de l’EGCU résonnent de façon tristement dissonante dans la recherche commune de la consolidation de l’entente mutuelle, visant à surmonter les malentendus et les différents accumulés depuis des siècles (Lors de l’Union de Brest – 1595-1596, la Métropolie de Kiev s’est placée sous la juridiction de Rome, ndlr). L’uniatisme, en la personne de son premier hiérarque en Ukraine, apparaît une fois de plus comme une séquelle malheureuse d’un passé où catholiques et orthodoxes ne se regardaient pas comme alliés, mais comme concurrents», insiste le DREE.
Dès 1990, les membres de la Commission spéciale pour le dialogue orthodoxe catholique ont adopté une déclaration sur l’uniatisme, affirmant notamment que l’uniatisme »ne peut plus être accepté ni en tant que méthode à suivre ni en tant que modèle de l’unité recherchée par nos Eglises», relève le Patriarcat de Moscou.
Il a été constaté, affirme le DREE, que «les tentatives de restauration de l’unité entre les Eglises d’Orient et d’Occident au moyen de l’union n’ont fait qu’aggraver les divisions existantes (…) Malheureusement, la condamnation commune de l’uniatisme par les orthodoxes et les catholiques dans le cadre du dialogue théologique officiel n’a nullement influé sur la rhétorique des leaders uniates, qui reste toujours aussi hostile à l’orthodoxie que dans les siècles passés».
Le patriarcat de Moscou écrit que «ce n’est pas la première fois que l’archevêque Sviatoslav tente d’opposer deux peuples frères, les peuples ukrainien et russe. Les idées d’un nationalisme étroit lui sont probablement plus proches que l’esprit évangélique contenu dans les lettres de l’apôtre Paul, lequel affirmait qu’en Christ, «il n’y a ni Grec, ni Juif» (Col 3, 11)».
«A la suite des schismatiques de tous bords, le chef de l’EGCU s’attaque ouvertement à l’Eglise orthodoxe ukrainienne, affirmant que ‘les douleurs et les souffrances endurées par le peuple ukrainien à cause de la guerre’ ne sont pas l’affaire de l’EOU. C’est pourquoi les gens simples s’interrogent: si cette Eglise s’abstrait de son peuple et parle en juge extérieur ou en médiateur, avec qui est-elle ? Comment une Eglise, qui prétend être l’Eglise orthodoxe locale de ce peuple, peut-elle se détacher de ce qui a trait à sa vie ou à sa mort ?»
Le patriarcat de Moscou relève que «ces paroles mensongères sont adressées à l’Eglise à laquelle appartiennent la majorité des croyants ukrainiens, la seule Eglise orthodoxe canonique en Ukraine, comme cela a été déclaré à de nombreuses reprises, y compris ces tous derniers temps, par les primats des Eglises orthodoxes locales».
Et le patriarcat de Moscou de souligner que l’Eglise orthodoxe ukrainienne «partage entièrement la douleur et les souffrances de ses ouailles, tant à l’Est, qu’à l’Ouest du pays. Elle considère les fidèles que Dieu lui a confiés comme des personnes vivantes qu’elle conduit au Christ, indépendamment de leurs opinions et de leurs préférences politiques. Elle a conscience d’avoir l’obligation d’aider les malheureux, ceux qui ont perdu leur toit et sont privés des conditions de vie élémentaires, qui ont perdu des proches ou été gravement blessés, quel que soit le parti politique auquel ils appartiennent».
Le DREE déplore que le chef de l’EGCU refuse de reconnaître le patriotisme de l’Eglise orthodoxe ukrainienne «pour la seule raison qu’elle reste fidèle au patriarche de Moscou et de toute la Russie». Le leader uniate n’hésite pas à s’attaquer directement au patriarche en affirmant que «même les fidèles de l’EOU mettent en doute leur droit moral à lui représenter les ‘douleurs et les joies’ du peuple d’Ukraine, considérant leur patriarche comme un ‘patriarche agresseur'».
«Ces assertions du premier hiérarque uniate non seulement contreviennent à l’étiquette internationale mise en place ces dernières décennies, qui interdit ce genre d’attaques révoltantes dans l’espace médiatique; elles sont profondément offensantes pour les millions de fidèles orthodoxes de différentes nationalités que réunit l’Eglise orthodoxe russe, et qui font mémoire de leur patriarche à chaque office».
Dans son «Appel du Synode des évêques pour les défenseurs de la Patrie», en septembre dernier, l’archevêque majeur Sviatoslav Chevtchouk, chef de l’EGCU, déclarait: «Chers soldats, nous vous assurons que nous sommes avec vous et nous continuerons à vous soutenir! Chers soldats de la vérité et de la justice de Dieu, le Seigneur est avec vous ! (…) Que votre foi en notre victoire commune soit forte – la victoire finale de la vérité et de l’amour de Dieu !»
Dans plusieurs interviews, Mgr Chevtchouk a regretté la politique «ambivalente» du Saint-Siège face à Moscou. Au quotidien français «La Croix» du 7 mai dernier, il disait certes comprendre que Rome tente de préserver ses relations avec Moscou, «mais nous savons aussi que le Christ a toujours été du côté de ceux qui souffrent. Or dans ce conflit, c’est l’Ukraine qui souffre et le Saint-Siège, dont la diplomatie est au service de l’Evangile, doit être à ses côtés». (apic/be)
Jacques Berset
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