Mais… comment leur dire? Comment leur dire que le chef de l’Eglise catholique n’est pas le chef d’un parti politique qui vise le prochain scrutin électoral ou même un leader national en mal de reconnaissance? Comment leur parler du 271e père synodal, l’Esprit saint, invoqué par les 270 autres dès l’ouverture des travaux? Comment leur faire comprendre aussi que – malgré les blessures d’un nombre non négligeable de fidèles – les divorcés-remariés et l’accueil des homosexuels ne sont pas les premiers défis de l’Eglise en matière de pastorale familiale? Comment leur suggérer d’écouter ou de lire au fil de l’année les discours d’un pape qu’ils ont définitivement classé «à gauche» car il n’a de cesse d’inviter l’Eglise aux périphéries et qu’ils refusent d’ouvrir les oreilles lorsqu’il fustige la «culture du déchet» qui écarte les enfants à naître et les vieillards inutiles? Comment, enfin, leur expliquer que «synode» signifie «marcher ensemble» et que le pape a voulu entendre les pasteurs de son troupeau avant d’offrir des orientations pastorales?
Alors, le pape progressiste est-il arrivé à faire taire les conservateurs et à imposer enfin des ouvertures à l’Eglise catholique? Partons du principe que la question est mal posée et tentons cependant d’y répondre.
Oui, le pape François a clairement réussi son pari. Il a libéré la parole et les évêques ont réellement fait route ensemble, tout en percevant les limites d’un débat qui se voulait évidemment universel. Les pères synodaux ont remis au pape François un document volontairement consensuel, adopté dans sa totalité – parfois à une voix près! -, mais qui laisse des portes largement ouvertes à un approfondissement, tout en rassurant ceux qui s’inquiétaient d’un changement de la doctrine de l’Eglise.
Le pape a un document sous les yeux… mais pas seulement. Au fil de ce synode, il avait les oreilles grandes ouvertes. Il a aussi pris le temps, à la pause café, de parler avec chacun, félicitant tel ou tel pour son intervention originale ou ses propositions audacieuses. Il a désormais les mains à peu près libres pour publier de nouvelles lignes pastorales, clairement demandées par les pères synodaux.
Enfin, tout porte à croire que le pape François a poursuivi la ›bergoglisation’ de l’Eglise catholique. Tout en affirmant haut et clair la doctrine, l’institution s’ancre dans une pastorale de terrain, elle veut changer radicalement de langage et entend accompagner plus que juger. Pour faire simple : rien n’a changé, mais tout a changé! (apic/imedia/ami/pp)
Pierre Pistoletti
Portail catholique suisse
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